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Ordre : La Zaporogue > Mary Bell > Thétis > Lillian Vankurd > Anna Grey > ...

Mary Bell, fière Capitaine Pirate du non moins célèbre Hell's Ship, pratiquait une des activités les plus intéressantes et lucratives de sa fonction d'élite : le calcul. Chose que le commun des mortels ne pouvait que frôler, rêver, elle, Mary Bell, l'exerçait avec une aisance des plus étonnantes. Enfin surtout pour la foule admirative qui composait son navire. Mais en y regardant de plus près, à quelques additions et soustractions, près, c'était surtout un vrai calvaire. Car aussi méticuleusement et joliment dessinés, les chiffres étaient on-ne-peut-plus sévères et justes.
Mary soupira et repoussa avec dédain sa dernière feuille de calcul. Les affaires allaient mal et elle n'avait pas spécialement envie de le savoir avec autant de précision.
Puis une tasse de thé apparut dans son champ de vision et se posa délicatement devant elle. Un petit sourire naquit au coin de ses lèvres tandis qu'elle relevait ses yeux vers Thétis, de la gratitude dans le regard. L'égyptienne avait raison : il fallait ménager sa cervelle. Une petite pause lui ferait du bien. L'anglaise saisit la tasse et la porta à ses lèvres.
Survint alors une déflagration qui fit trembler le vaisseau tout entier. Mary soupira. Autant pour refroidir légèrement sa boisson que d'anticipation quand à ce qui allait suivre. Elle commença d'ailleurs à décompter. Cinq, quatre, trois...
Des bruits de pas véloce se firent entendre ainsi que des ruminements rageurs dans le silence qui entourait naturellement la cabine du Capitaine. Deux, un...
La porte s'ouvrit à la volée et se referma aussi sec, n'ayant permis l'entrée que d'une seule personne.

« Quelle entrée ! » s'amusa Mary en buvant une gorgée, alors qu'elle jetait un œil appréciateur et connaisseur sur son maitre canonnier. Elle la vit saluer Thétis d'un hochement de tête après avoir retirer son tricorne. Et il ne lui fallut pas plus longtemps pour laisser éclater sa voix dans la pièce.

« Et bien tu peux commencer à gratter, parce que si j'en crois mes calculs – et je ne me trompe jamais dans ce domaine – on n'a plus un rond. »

Sur ces paroles, la Capitaine repoussa d'un revers de main ses feuilles qui finirent leur course sur le sol, rejoignant le reste de leurs consœurs, descendues là à la première secousse.

Le thé avait cet avantage : ce n'était pas la boisson la plus chère que cette terre -ou mer dans le cas présent- portait en son sein. De plus, avec ses provisions, la jeune femme avait approximativement de quoi tenir un siège. Et heureusement, pensait-elle, car les temps étaient dur. Oh, elle les connaissait, les calculs que faisait sa supérieur. Elle s'en était déjà faite une rapide ébauche (l'entretient du bateau étant à sa charge, Thétis voyait mal comment procéder sans connaitre les fonds disponibles). Un fumet d'espoir lui avait chatouillé les narines à l'idée qu'elle avait fait une erreur quelque part. Mais la mine de Mary Bell disait ses approximations affreusement proches de la vérité, si cette dernière n'était pas au deçà de ses espérances. Elle soupira et regarda pensivement le fond de sa tasse, assise sur un coin de table à côté de son service à thé fatigué.

L'entrée -fracassante !- de leurs maître canonnier lui fit relever la tête et répondre à la salutation silencieuse de la Zaparogue par un sourire. Elle ne pipa mots pendant que les deux femmes s'échangeaient leurs petits soucis -commérages, commérages !- et s'employa à nettoyer d'un recoin de jupons une tasse, remplir cette dernière de thé encore chaud et le poser distraitement sur le plateau au cas où cette invitée surprise en voudrait, pour discuter sagement autour d'une table. Image amusante qui fit sourire Thétis tandis qu'elle s’avançait vers la pauvre porte.

« Les caisses sont vides, oui, alors, merci de ne pas abîmer le matériel encore en état. » commenta-telle en caressant un coin de porte qui avait mal supporté la dernière brusquerie. Elle se redressa et se tourna vers ses deux congénères « Que fait-on ? Rester les bras croisés ne fera pas apparaître la monnaie sonnante et trébuchante qui nous manque tant. Alors, on..., chercha-t-elle rapidement, croit à toute ces légendes qui circulent sur ces mers chargées d'or ? »

L’Égyptienne rigola doucement à cette idée candide et si naïve.

« On part à une chasse au trésors ? »

La vie de mousse sur un navire n’était guère facile. Lillian le découvrait de jour en jour à ses dépends. Bien sûr, qu’en l’engageant le Capitaine lui avait dit qu’elle devrait travailler. Mais la fillette ne s’attendait pas à devoir trimer autant pour justifier sa présence sur le navire. La rouquine avait eu bien du mal à s’y habituer mais y mettait toute la bonne volonté du monde et tentait de faire de son mieux. Quoiqu’il resta toujours des tâches pour lesquelles elle rechignait, nettoyer le pont par exemple. La corvée lui semblait insurmontable, elle avait beau frotter et astiquer à genoux dans l’eau savonneuse, les matelotes supérieures trouvaient toujours quelque chose à redire. Alors quand on lui avait tendu un seau et une brosse ce matin elle avait ronchonné en trainant la patte, songeant que la journée risquait d’être fort pénible.

Le seau remplit à ras-bord dans une main, la fillette marchait avec précaution afin de ne pas renverser d’eau sur le sol. Les yeux rivés sur le récipient, elle ne vit donc pas la silhouette qui s’approchait à grand pas et qui ne semblait pas se soucier de bousculer une ou deux mousses. La petite Lillian fut percutée de plein fouet et le contenu du seau se déversa sur elle avant même qu’elle ait pu s’en rendre compte. Trempée jusqu’aux os la jeune fille resta d’abord muette de surprise avant de chercher du regard la personne qui était responsable de la chute de son seau. Elle ne fut pas difficile à trouver, les autres matelotes du Hell s’écartaient sur son passage créant ainsi une petite allée déserte au milieu du pont.

Tremblotante dans sa chemise gelée qui lui collait à la peau, la rouquine plissa davantage les yeux alors que l’inconnue pénétra dans la cabine du capitaine puis en claqua bruyamment la porte. Lillian resta abasourdie. Mais qui était-ce ? Elle ne connaissait pas la matelote ou du moins, n’avait pas réussit à la reconnaître, n’ayant pas eut le temps d’apercevoir son visage. En tout cas, elle semblait bien énervée. Est-ce qu’elle allait crier sur le Capitaine ? Et qu’est-ce que cette dernière allait lui répondre ? La conversation promettait d’être intéressante et la mousse regretta de ne pas avoir de prétextes pour entrer dans la cabine du capitaine.

Les yeux luisants d’envie, elle resta quelques instants immobile avant de se précipiter à pas furtif vers la porte de la dite cabine. Là, elle tenta de trouver une serrure dans laquelle elle aurait pu glisser son œil. Elle n’en trouva pas. Soupira de déception. * Bah j’ai plus qu’à retourner sur le pont alors…Ou…* La fillette colla doucement son oreille à la paroi de la porte et un sourire glissa sur ses lèvres alors que des bribes de conversation lui parvenaient. Parfait ! Elle entendait ce qui se passait dans la cabine ! Ca criait un peu mais tout de même moins que ce qu’elle avait imaginé. En se concentrant davantage il lui sembla reconnaître la voix de Thétis. Ah tiens, la seconde était là dedans elle aussi ? Et…et elle parlait de chasse aux trésors ?

« Oh… » murmura Lillian, les yeux pétillants à l’entente de cette nouvelle.

BAM!

Anna laissa échapper un hoquet de saisissement et se tourna craintivement vers l'origine du bruit qui l'avait brusquement faite sursauter. De son observatoire, allongée sur la grande vergue, elle dominait tout l'étendue du pont et de la dunette, qu'elle avait bien faillit rejoindre par le chemin le plus direct en glissant, tant le claquement avait été sec et soudain. Le point de vue était privilégié et lui offrait avec une clarté parfaite la vue de l'allée silencieuse qui s'était formée entre les matelotes et les mousses. Quelle furie ambulante avait bien pu creuser pareil sillon, de surcroit sans un éclat de voix? Car Anna n'avait d'abord rien perçu de dérangeant pour sa sieste méritée à l'ombre de la grand-voile - elle qui avait passé la matinée à soigner diverses coupures et scorbut! Bon, c'était sans doute la capitaine elle-même qui avait décidé de troubler ses rêves pourtant calmes, ou bien c'était la cannonière aux grandes bottes. Il n'y avait qu'elles deux pour faire autant de mal à un pauvre battant de bois innocent.

L'angelot était sur le point d'oublier l'histoire en maugréant et de se rendormir du sommeil du juste, quand un point rouge mouvant retint intuitivement son attention. Le médecin suivait toujours avec anxiété ses pateintes à risques, et celle-ci en était une... Qui plus est en train de défier ouvertement le reglement! Oubliant toute prudence et toute sieste en cours, Anna dévala la hauteur du mat par les écoutes et se rua vers le gaillard arrière. Car vous aurez deviné que le point rouge, c'était Lilian, et qu'elle était présentement agenouillée contre le battant de la porte de la cabine de la capitaine, et que très certainement elle écoutait ce que l'on y disait! Quelle effrontée! Et si jamais on l'entendait...!

Les deux pieds heurtèrent le plancher un peu trop violemment, le bruit fut même remarqué par une mousse passant non loin et ébranla dangereusement une lame vermoulue du pont. Anna n'en tint pas compte et continua sa course folle vers l'imprudente, dont les yeux pétillaient de curiosité et d'autre chose, provoqué peut-être parce ce qu'elle avait entendu, mais qui en tout cas n'aurait jamais du parvenir à ses oreilles! La jeune fille voulut s'arrêter net devant Lilian... Sauf que le pont était mouillé... Que sa course finit par une longue glissade, incontrolée et si rapide...

BAM!

Second assaut contre la porte! Anna se frotta la tête en maugréant, un peu sonnée. Puis elle attrapa Lilian à l'aveugle et la tira désespérement vers le pont.

"Pas l'droit d'écouter à la porte de la capitaine! Vient!"

Mais pour la discrétion, vous admettrez comme moi qu'il était un peu tard pour murmurer...

Au début, Mary rit. Une chasse au trésor ! Elles avaient autant de chances d'en trouver qu'un homme de monter à bord du Hell. Néanmoins, elle se réfréna tout aussi vite. Après tout, pourquoi pas ? Avec un vaisseau nommé comme le leur, autant tenter le diable. Elles n'avaient pas grand chose à perdre de toutes les façons.

« Je veux pas paraître rabat-joie mais chercher un trésor, ca prend du temps, de l'argent et des vivres. Et il me semble qu'on manque cruellement d'un de ses éléments. Remarque, on peut jouer ça au bluff. Quitte à piller quelques idiots au passage, comme tu le soulignes, Oksana. »

Mary réfléchissait à voix haute. Généralement, parce qu'ainsi ses idées lui paraissaient alors réalisables ou non, mais aussi parce que Thétis pouvait y ajouter son avis quand elle le désirait. Et, bien qu'elle ne l'admettrait jamais, cela aidait beaucoup Mary à avancer.

« Encore faudrait-il savoir où... BAM ! ...commencer. »

Mary posa sa tasse de thé sur son bureau. Les épices lui montait au nez. Elle n'aimait pas spécialement qu'on la dérange lorsqu'elle entamait un processus aussi fastidieux que de créer un programme des activités pour son équipage pour les prochains jours à venir.

« C'est quoi ça encore ? »

La Zaporogue rouvrit à la volée la porte de la cabine et apostropha les importunes.

« Amène-les moi. » soupira la Capitaine.

En plus de ce projet au long court que Thétis venait de suggérer, Mary allait devoir également gérer les petites oreilles indiscrètes. Il allait falloir sévir.

Thétis avait été au première loge, pour entendre l'agitation qui se tramait derrière la porte, à examiner cette dernière soigneusement. Mais plutôt bonne patte, elle avait préféré laisser la canonnière s'en charger, cette dernière ayant un don innée à effrayer les petites, sans même faire d'effort en ce sens. Ainsi, elle s'écarta d'un pas, laissa Oksana faire son affaire avec un sourire distrait aux lèvres en retournant prendre sa tasse. Elle bue une gorgée et toujours frivolle, elle lança :

« Tu vois bien, Bello, les p'tites s'ennuient tellement qu'elles préfèrent risquer leurs gorges que de faire sagement ce qu'on leurs dit ! Si ce n'est pas triste, ça... » Elle secoua la tête, un air faussement ennuyé sur le visage. « Comment leurs en blâmer ? Avec cette mer d'huile qui nous a clouées au sol, le moral a peut-être bien été légèrement émoussé, la motivation s'effrite... Peut-être rouille-t-on même, Mi Chiedo. Même si on n'a pas le reste, un but, c'est déjà pas mal pour reprendre la mer et motiver nos brebis. »

L'Egyptienne joue distraitement avec le liquide de sa tasse, le faisant rouler doucement, observant la lumière qui se reflétait dedans.

« Et comme le dit si bien notre canonnière, nous sommes des pirates, nous pourrons bien nous faire quelques provisions en cours de routes ! » continua-t-elle avec un sourire. « Rusons, volons, demandons à nos demoiselles si elles veulent investir de leurs économies personnelles pour refaire des provisions et repartir en mer, investiguons pour savoir si des rumeurs se font sur les trésors que renferment ces mers !

Tentons auprès du marché ! On y dit que des objets renferment des indices, parfois. Du moins, c'est ce que les rumeurs disent, -entre autre-. Mais bougeons ! Ça sera mieux que de ne rien faire et s'ennuyer. »

Enfin, Thétis se tourna vers les deux jeunes filles, nouvelles arrivées dans cette discutions et leurs adressa un sourire qui aurait pu être rassurant s'il n'aurait pas suinté l'arrière-pensé.

« Pas vrai mesdemoiselles ? J'espère que le programme vous plaît car vous y serez en première loge ! »

" Anna ! Aïe ! Arrête ! " couina la petite Lillian tandis que sa comparse la tirait par le bras, loin de la cabine de leur capitaine. La petite rouquine se débattit, hésitant à révéler à son amie qu'elle avait entendu parler de trésor. Après tout, cela ferait peut être changer d'avis le médecin et peut être que cette dernière cesserait de la traîner de la sorte. Mais alors qu'elle tentait tant bien que mal d'apprendre cette fameuse découverte à Anna, la porte s'ouvrit d'un seul coup, découvrant le visage furieux de la canonière.

Lillian cessa aussitôt de se débattre et hésita quant à la conduite à tenir. Le rouge lui monta au joue tandis que la Zaparogue demandait si elle ne les dérangeait pas.

" Euh... En fait...euh..." bafouilla la rouquine ne sachant pas quoi répondre. Ce fut le regard outré d'Anna qui lui apprit qu'il n'y avait justement rien à répondre. " Désolée..." murmura-t-elle plus à l'égard de son amie que d'autre chose. Anna allait se faire gronder par sa faute ! Alors qu'elle n'avait rien fait Anna ! Comment l'expliquer au Capitaine ? Lillian commençait à réfléchir lorsque la voix de cette dernière se fit entendre.

La mousse entra donc dans la cabine du capitaine, poussée par la canonnière. Quelle ne fut pas sa surprise de constater que cette dernière buvait ! Et que ce qu'il y avait dans sa tasse ne ressemblait pas à de l'alcool. D'ailleurs, c'était une bien jolie tasse. Thétis avait la même et semblait boire la même mixture. Dans sa petite province hollandaise, Lillian n'avait jamais goûté de thé et le nom même de ce breuvage lui était inconnu.

" Capitaine on..." commença la jeune fille, tentant de s'excuser en expliquant l'histoire. Thétis lui coupa la parole en prenant presque leur défense. La seconde prétendit que tout le monde s'ennuyait sur le navire. Lillian se retint de hocher la tête pour approuver cette dernière. La suite, Lillian n'en comprit pas grand chose. Seuls les derniers mots captèrent son attention.

" Oh... On va faire les courses ! " demanda-t-elle les yeux brillants d'excitation.

Quand la cannonière ouvrit la porte, le sang d'Anna se retira de son visage et ses lèvres se mirent à trembler. Elle lâcha immédiatement le bras de Lilian et s'éloigna le plus possible de l'embrasure par laquelle elle apercevait les visages des deux seules personnes à bord qu'il ne fallait absolument pas épier : Mary Bell et sa seconde. A côté du visage froncé de la Zaporogue, ceux des éminences paraissaient bien calmes - beaucoup trop d'ailleurs. Elles remuaient de frêles cuillères dans des tasses blanches - image ô combien étrange... - et surtout, elles paraissaient soucieuses. Anna eut l'impression d'arriver comme un cheveux sur la soupe, un problème de plus, un moustique dont on se serait bien passé. Et cette impression fit trembler sa voix.

"M... Ma ca... capitaine..."

Elle voulait se justifier, expliquer qu'elle n'avait pas voulu espionner maîs empêcher une curieuse d'en entendre trop, mais en fut incapable. D'abord, parce que Thétis ne la croirait peut-être pas ; l'égyptienne était bien placée pour savoir que la petite savait dissimuler la vérité. Ensuite, parce que ce serait dénoncer Lilian. Enfin, parce qu'elle ne fut pas la plus rapide.

Elle ne comprit pas grand-chose au discours de Thétis - n'ayant pas assisté à travers bois au constat financier du navire - mais retenu l'essentiel. La haute direction avait l'intention de se lancer dans le marché aux indices! Indices pour quoi? Des trésors? Allaient-elles partir en quête de richesses sur les îles désertes du pacifique? L'idée horrifia Anna. Un long voyage en mer, cela signifiait scorbut, plaies infectueuses, maladies tropicales, manque de vivre et risque de se perdre dans la brousse! Le navire était-il en train de vivre une catastrophe, pour devoir être acculé à ce point? Quant la seconde lui signifia qu'elles seraient aux premières loges, la petite sortie de sa timidité et bondit au devant de la cabine.

Le mouvement effraya au passage un corbeau noir d'encre qui s'était posé sur le pont. Dans l'envol paniqué du volatile, une plume se détacha vers Thétis.

"Vous ne pensez pas à partir en mer? Un long voyage serait désastreux pour..."

La jeune anglaise se rattrapa juste à temps. Elle avait faillit dire "pour Lilian dans son état", et se souvint à temps d'avoir juré le silence. Elle dévia de justesse.

"...pour le cas où il y aurait des blessures. Je n'ai pas tout compris, mais si vous comptez vous lancer dans la chasse au trésor, je ne garantis pas de pouvoir soigner tout le monde! Et puis qui vous dit qu'ils existent, ces trésors? Pourquoi on ne se lance pas plutot dans un abordage, comme d'habitude?"

Elle était loin d'imaginer ce qui l'attendait. Très loin.

[Je m'excuse pour l'hostilité d'Oksana vis-à-vis d'Anna mais l'opposition entre les deux personnages est telle que j'ai pas pu résister x) ]

Comme souhaité Thétis émit son opinion, comme elle savait si bien le faire. Un doux chant aux oreilles de Mary qui adorait le petit accent de son Égyptienne. Le contenu de cette ode était intéressant. Thétis savait exprimer ce qu'elle n'arrivait qu'à ressentir sans pourtant trouver les mots justes. Quoiqu'il en était, la pirate avait deux effrontées à punir et un programme à mettre en place. Tout en écoutant chacune prendre la parole, dont deux qui aurait mieux fait de demander la permission avant, Mary reposa la porcelaine sur son bureau, la tasse vide. C'était au combien meilleur que de la balancer à travers la cabine dans le seul but d'effrayer les deux rouquines et leur rappeler qu'Elle seule était maître à bord et qu'il y avait des petites choses à ne pas faire, comme écouter à sa porte. Mais bon, la porcelaine ça se trouvait pas sur tous les navires et Thétis n'aurait pas aimé.
Ce qui la décida le plus fut la remarque d'Anna quand à leur entreprise. Mary se leva et posa bien un plat ses mains sur son bureau, en les faisant claquer. L'attention revint immédiatement sur elle. La dernière remarque d'Oksana filtra néanmoins, la canonnière ne manquant jamais une occasion de répartir.

« Dis donc toi, c'est ton travail de t'occuper de la santé de mon équipage. Et sur un navire pirate, on prend le large à tout bout de champ. C'est pas nouveau et ça continuera comme ça aussi longtemps que je vivrais. Si j'ai fait une erreur en te prenant à ce poste, autant me le dire maintenant, que je fasse un peu de ménage. »

La menace habituelle était tombée. Quand Mary faisait le ménage, les serpillères des mousses étaient souillées de sang.

La Capitaine se releva et fit le tour de son bureau. Plus aucuns obstacles ne protégeaient les deux espionnes de sa fureur. Prenant appuis sur une seule jambe, créant un déhanché qui mettait en valeur sa main posée sur le pommeau de son sabre, Mary fixa les deux filles. Elle était absolument d'accord avec la Zaporogue. Elles n'avanceraient à rien si elle ne dégainait pas quoique ce soit.

« Je suis la Capitaine de ce navire. »

Un pas.

« Je suis la seule ici à prendre les décisions. »

Un autre pas.

« Et si je dis qu'on prend le large, on prend le large. »

Mary toisa Anna de toute sa hauteur, profitant de sa grande taille. Son ombre recouvrit alors complètement le médecin.

« C'est ton boulot de faire en sortant que tout le monde reste en vie. Mais je peux très bien trouver quelqu'un d'autre pour te remplacer. On trouve absolument de tout au marché de Tortuga. »

Puis, comme tout s'enchaînait parfaitement, autant la situation que les idées, Mary se retourna vers Thétis.

« Vois avec Ismahen. On part au marché. J'ai besoin de bras pour porter les provisions et de deux-trois voleuses pour le rab. »

Hey ! On n'était pirate ou on ne l'était pas. Et puis les bras en question étaient déjà tout trouvé. Enfin, elle fit un signe de tête à sa canonnière.

« Montre-moi l'étendue des dégâts. Qu'on sache quoi prendre en priorité pour le voyage. » lui dit-elle en sortant.

Parce que partir désarmé était hors de questions.

Spoiler:

En temps normal, Thétis serait intervenue. Que ce soit pour prendre le parti de sa capitaine ou défendre les deux gamines, elle aurait trouvé son mot à dire ; il était plus courant qu'elle parle quand elle aurait pourtant mieux fait de ce taire que l'inverse. Mais là, elle ne pipa pas un mot, le regard pensif.

Un corbeau était venu, avait dispersé quelques plumes qui étaient venues chatouiller les pieds nus de l’égyptienne, puis cette dernière les avait ramassé et se frottait le bout du nez avec, les yeux désormais vagues. Oh, oui, bonne Fortune, sa plume colorée lui était revenue à l'esprit, aussi vivement que le corbeau était repartit, accaparant maintenant toutes les pensées de la seconde, sans qu'elle ne parvienne à savoir pourquoi. Si bien qu'elle fut la spectatrice absente de la scène, clignant vaguement des yeux quand Mary Bell prononça son nom en toute réponse. Elle releva la tête, les sourcils se fronçant de réflexion, et balaya du regard la cabine de sa capitaine, passant sur les cartes. Il y avait un nom qui lui venait à l'esprit.

« Coza... » commença-t-elle avant de compléter « Cozamalotl... »

Puis prenant enfin conscience de ce que cette plume lui susurrait comme idée, comme un mot que l'on a sur le bout de la langue et qui sort enfin, elle sursauta :

« Cozamalotl ! Bel... »

Thétis s'interrompit : Mary Bell avait déjà quitté sa cabine. Alors, sans plus attendre, son bouquet de plume toujours dans les mains, elle s'élança à sa poursuite, criant :

« Belloooooooo ! » Arrivée au pied de sa capitaine, enfin, l’égyptienne gesticula : «  Cozamalotl ! Les plumes ! C'est là qu'il faut aller ! Comme le corbeau dit ! »

Heureusement pour Mary Bell, Thétis fut la première consciente que ses paroles n'avaient que très peu de sens.

« Te souviens-tu de ton dernier bain salé, Mary ? C'était la nuit ! Et bien le lendemain, un homme -que je ne connaissais ni d'Eve ni d'Adam, d'ailleurs- m'a interpelée et m'a offert une plume, une très belle plume ! Une plume noire, au soleil, comme celle d'un corbeau, mais qui se pare de couleurs chatoyante dès qu'elle est près de l'eau ! On croirait avoir un arc-en-ciel dans la main. L'homme m'a dit qu'elle me porterait chance, si c'est vrai, je n'en sais rien, mais je la trouvais jolie, alors je l'ai prise et elle est là, dans ma cabine ! »

Tout cela débité, les joues de la seconde se rosaient, à parler sans prendre d'oxygène, sautillant d'excitation et d'enthousiasme. Mais comme elle doutait que ce soit suffisant, soudain, elle s'exclama à toute vitesse, brandissant son plumeau sous le nez de Mary Bell :

« Mais ce n'est pas tout !

Nous parlons de chasse au trésors et c'est pile à ce moment là que vient se poser un corbeau, laissant en souvenirs ces quelques plumes à mes pieds, me rappelant alors cette plume, qui sommeille sur une table. Obsession, j'y pense et repense, Bello : il est une îles qu'on dit habillée d'arc-en-ciel et qui dispose d'eau à outrance, de cascade par dizaine qui pare ses rochers de joyaux colorés et translucides comme un collier pare le cou d'une femme. On dit que cette îles aux grottes est l'endroit idéal pour les trésors ! Ce sont des rumeurs oui, et même si j'ai tendance à y croire, n'ayant pas de preuve, je n'y pense pas. Mais le corbeau, Bello ! Ce corbeau qui arrive et me fait repenser à tout ça !

C'est un signe, le destin nous dit d'aller là bas ! On met voile vers Cozamalotl ! C'est là bas que l'on trouvera quelque chose ! »

Enfin, elle commença à reprendre sa respiration. Thétis était souriante, plus confiante que jamais, et dans ses yeux noirs brillait l'étincelle de celle qui sait avoir raison. Et ce qui était certain, Mary Bell le savait très bien pour l'avoir à ses côté depuis quelques années, c'est que si Thétis s’obsédait d'une idée comme aujourd'hui, elle n'en démordrait pas.

Mary eut à peine le temps de faire quelques pas qu'elle fut rattrapée par l'appel déchirant de son exotique Second qui lui courait après. Elle s'arrêta et l'attendit. Arrivée à sa hauteur, l’Égyptienne balbutia deux-trois mots qui manquait cruellement de clarté. Mais la pirate n'eut même pas le temps d'ouvrir ses lèvres pour s'exprimer que Thétis enchainait déjà et tentait de s'expliquer. Mary croisa les bras tandis qu'elle essayait tant bien que mal de suivre le débit effarant de parole qu'elle arrivait à prononcer. Sans compter les petites sautillements sur place. L'excitation était quasiment palpable. On frôlait même l'hystérie. Et Mary se demandait combien de secondes encore sa petite bohémienne allait encore tenir sans respirer.
Soudain, elle se retrouva le nez dans des plumes. Mary sursauta et cligna plusieurs de suite des yeux, surprise, alors que Thétis reprenait le fil de son argumentaire. La Capitaine aimait bien entendre parler sa petite compagne. Il y avait presque quelque chose de lyrique dans sa façon de déclamer ses pensées. D'autres se seraient contentés d'un bref : « Je veux aller là ! » alors que Fiorella enrobait toujours ses idées de quelques jolies comparaisons.
Puis enfin, pour le salut des poumons de l’effrénée pirate, Thétis reprit sa respiration. Petite interlude qui permettait enfin à Mary de pouvoir en placer une.

« Ok. On ira là-bas. » fit-elle simplement devant le regard émerveillé – énamouré ?- et souriant de l’Égyptienne.

Elle ne la connaissait que trop bien. D'une, elle n'allait pas en démordre. De deux, c’eut été une totale perte de temps que de vouloir essayer lui faire changer d'idée. Quand à imposer son propre choix ? Bah, ça ne rimerait à rien. Et puis, dans le fond, Mary ne savait pas par où commencer leur périple, alors cette île plutôt qu'une autre ? Pourquoi pas.
Elle ne put s'empêcher de sourire face à la joie évidente qui s'était peinte sur les traits de son amie et d'un signe de tête, reprit son chemin, à la suite de sa canonnière.