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 Le cri qui réveilla Barbe-Noire... (Kharine)

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MessageSujet: Le cri qui réveilla Barbe-Noire... (Kharine)   Le cri qui réveilla Barbe-Noire... (Kharine) EmptySam 13 Nov - 14:43

Le ciel était sombre, et seul le bruit du vent résonnait dans les oreilles de Madeleine. Un vent glacé qui s’engouffrait sous les vêtements, qui mordait chaque parcelle de peau découverte, qui réussissait à faire courber sous sa puissance les plus téméraires. Et c’est contre ce vent glacé qu’avançait une silhouette encapuchonnée, qui semblait manchote... en réalité, les bras de Madeleine avait seulement disparu sous les plis de sa cape, pour éviter que ses mains ne s’engourdissent trop. Jusque là, elle avait plutôt eu de la chance, même en pleine mer : le soleil avait daigné réchauffer l’équipage du Prince des Tempêtes. Mais dès qu’ils avaient fait escale à la Jacressarde, le temps avait tourné, et avec lui l’humeur de l’équipage. On dit que le vent rend fou : vu l’état d’énervement et d’irritation dans lequel se trouvaient certains de ces compagnons de voyage, elle se demandait si ce n’était pas au moins un peu vrai... ne trouvant pas vraiment d’intérêt à rester avec des pirates grognons (elle n’avait même pas osé demander s’il voulait entendre une histoire, tant ils paraissaient résignés à se plaindre), elle avait décidé de leur fausser compagnie pour quelque temps.
Et puis, elle avait une idée en tête... il lui fallait juste trouver un endroit qui pouvait abriter ce qu’elle cherchait. On lui avait conseillé de se rendre à la boutique de la «Jacressarde», car lui avait-on dit, on trouvait de tout là-bas. De tout, et surtout de n’importe quoi avait-on ajouté en riant.
La Jacressarde. C’était donc ça. C’était quand même laid. Vieux et laid. Et bruyant avec ça... la misère dans toute sa splendeur. A chaque coin de la cour pavée étaient assis des gens-hommes, femmes, quelques enfants-recroquevillés, maugréant des choses incompréhensibles ou soliloquant à voix haute. Deux individus, une vieille femme aux airs de sorcière et un homme coiffé d’un chapeau qui devait avoir été chic dans une autre vie, riaient bruyamment. A la vue de ce spectacle, Madeleine eut comme un coup au coeur. Il ne connaissait pas bien cette misère-là, ces tristes destinées... à vrai dire, elle ne connaissait pas grand-chose. Elle avait beau avoir fréquenté les tavernes de Saint-Cruchon, les gens n’y étaient pas si abîmés que ça... même les enfants ici semblaient déjà vieux... comme marqués irrémédiablement.

Elle décida de ne pas s’attarder. Avisant une porte au carreau défoncé sur laquelle, suspendue au loquet, pendouillait une vieille pancarte ornée d’un dessin maladroit représentant trois pièces d’or , elle entra. Elle n’avait pas mis longtemps à la trouver: la boutique de la Jacressarde était un fouillis magistral. N’importe quoi s’entassait n’importe où. Des objets saugrenus et inutiles, cassés et disloqués, anciens ou antiques emplissaient la pièce. Et cette forte odeur de vieille poussière qui vous entrait par les narines et vous faisait tourner la tête... Madeleine trouvait cet endroit assez intriguant, et se demandait de quelle manière elle allait s’y prendre pour trouver ce qu’elle cherchait... à supposer que ce qu’elle cherche se trouve ici ! Elle entreprit donc de fouiller partout où elle le pouvait, déplaçant tout ce qui pouvait l’être, soulevant à chaque fois des tourbillons de poussières pelucheuses.
Alors qu’elle était en pleine exploration, elle entendit un bruit de pas provenant de l’arrière-boutique. Aussitôt, elle se demanda si elle avait le droit d’être ici... personne ici ne la connaissait, sa présence pouvait paraître étrange. Ni une, ni deux, elle se retrouva dans une grande malle en bois lustré à moitié pleine de vieilles robes moisissantes.

Si on la trouvait, elle serait dans de beaux draps... quelle idée de se cacher là-dedans ?! Si jamais on avait l’idée d'ouvrir cette malle... bêtasse, bêtasse, bêtasse, se répétait-elle.
Du calme. Il suffisait juste de se taire. Elle ferma les yeux.
Et poussa un hurlement sauvage. «Quelque chose» de poilu et griffu venait de passer sur sa main et de la mordre sauvagement. Un rat.

-AAAAAAAAAAAAhhhhhhhhhh !!!!!

Cuite...
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Kharine

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MessageSujet: Re: Le cri qui réveilla Barbe-Noire... (Kharine)   Le cri qui réveilla Barbe-Noire... (Kharine) EmptyDim 21 Nov - 16:43

L'orphelin du coin de la pierreuse aurait aimé mourir aujourd'hui. D'usure, rien n'avait plus d'intérêt , et il n'est pas aisé pour un orphelin de survivre au pays des borgnes, des empestés, des culs de jattes, où la miséricorde fait son marché. Si tu es trop maigre, sur le point de mourir, le destin te donnera une miette de pain. Puis, il t'oubliera, à moins que tu ne recraches ton sang aux bottes d'un homme le lendemain, à moins que l'on ne te coupe la langue pour vandalisme. À moins que le nouveau pire jour de ta vie n'arrive avant ta mort. Car ainsi va la foire aux résidus. Ainsi fonctionne Dieu. Ainsi la Jacressarde a vécu et ainsi elle vivra. Comme l'ordre d'installation des fourchettes et des couteaux aux soupers d'aristocrates, les miséreux prennent leurs habitudes, leurs repères. Souvent, les plus âgés d'entre eux s'en vont dans la rue des orphelins, et leurs demandent un petit coup de main. À ceux qui acceptent, l'on tire du poignet, l'on mène au port. Chacun alors s'entend ruminer qui tiendra le sac par les bottes, et qui le tiendra par les gants. Le balançant d'un bord à l'autre de la barque, l'un rumine un sermon, l'autre laisse son estomac crier sa détresse. Et puis, on lâche tout. La barque balance sous les vagues pourpres, l'enfant perd l'équilibre mais n'ose pas mourir, puis ils retournent à Terre, fouler la détresse qu'ils connaissent sur le bout des semelles.

À toute cette détresse, les hommes de ruines et les habitués s'hydratent de vie un soir sur deux, quand les descentes de police ont une haleine de bière, et des bâtons souillés. Chacune à leur tour, quelques âmes damnées de la Jacressarde se jettent dans la violente cohue de la Justice. Leurs corps se tordent et se vident, mais leurs âmes jubilent. Ils s'imaginent le scandale du meurtre d'un miséreux, une révolution, l'importance qu'auraient leurs noms dans l'Histoire, une vie meilleure pour leurs congénères. Mais ce n'est pas ainsi que fonctionne Dieu, ce n'est pas ainsi que va la foire aux résidus. Elle loge les pauvres, mais n'a d'intérêt que pour ceux qui ne le sont pas. Si, d'ailleurs, la cour avait été plus belle, si les bâtisses avaient été plus solides, si l'on aurait vraiment pu sauver la Jacressarde, on aurait d'abord jeté tout ses habitants. Au fond du trou. Ce ne sont pas eux qui la font vivre. Ce sont les visiteurs, les touristes comme Kharine.

Des hommes comme lui, on en voit passer cent par jour, ici. Des bottes propres, une barbe bien rasée, un manteau chaud, et un gros porte-monnaie. Un traîne-misère seul baverait d'envie en voyant un tel homme passer. Mais ceux de la Jacressarde s'en moquent, leur unité scelle leur honneur, et jamais on ne viendra vous demander la charité. C'est ce qui fait la spécificité de ceux qui vivent ici. On a besoin de tout, mais on ne demande rien. Ici, on se penche pour cueillir la mauvaise-herbe à ses pieds, et on tente de la gober. On s'en contente. On se contente de tout, comme les visiteurs doivent se contenter des bibelots poussiéreux de la boutique.

Kharine souleva un drap brut et épais, imprégné d'urine, et du se baisser pour passer le seuil de la porte. D'un coup, un fort mélange d'odeurs envahit ses poumons. Toute la poussière figée dans l'espace céda comme une onde lorsque le pirate fit son entrée. Mais en quelques secondes, tout redevint immobile. L'on entendait certes quelques mouches bruyantes voler dans les air, mais la poussière ambiante était si dense et si éclairée que l'on ne pouvait guère voir plus loin que le bout de son nez. Le plancher humide se plia sous les pas du second, et inexplicablement, l'unique étagère au coin de la pièce -que l'on devinait sous ce drap- se mit à grincer, à fléchir sur la gauche. De légers chocs de verre percèrent le silence. Au plafond étaient cloués les restes d'une mâchoire de requin. Les vestiges d'un fabuleux exploit. Quant aux objets en vente, ils s'entassaient sous et sur les draps, et l'on aurait dit qu'ils évitaient un passage direct entre l'entrée et la petite porte de l'arrière boutique. Un petit chemin mal aménagé. Kharine enfouit sa main sous son aisselle et sortit d'une poche une paire de gants noirs. Ceux-ci enfilés, il s'approcha d'un tas de draps recouvrant des piles de bibelots, de bricoles. Et tout en les soulevant, il regarda ce qu'il y avait. Rien de nommable. Rien d'intéressant, mais rien de déplaisant pour quelqu'un qui ne cherche rien. Ce n'est donc pas la colère qui fit que Kharine jeta, en se levant, un violent coup de pied dans ce tas poussiéreux. Quelque chose sans valeur dû se briser sous ce drap, il n'y avait que ça. Il remarqua cependant une arrière boutique, qui exerçait alors un curieux sentiment chez lui, et attisait sa curiosité. Que pourrait-on bien y mettre, si ce n'est un ramassis de secrets, de dangers ? La planche de bois trônant au dessus de la porte et sur laquelle était modestement écrit "arrière boutique" n'indiquait rien sur son contenu. Mais après vérification, il n'y avait que de la paperasse. Des centaines et des centaines de parchemins prophétiques poussiéreux, dans une pièce sombre. Kharine tira dans le tas un des manuscrits enroulés. Il ne pu même pas lire cette écriture de seiche, tant elle était petite et, semble-t-il, consciencieusement vieillie. Mais compte tenu de minces détails comme les restes de cachets de cire, les pliures, ou les signatures, on aurait dit des lettres, des correspondances. Kharine jeta la lettre parmi les autres avec tout l'intérêt qu'elle méritait. Il s'empêcha de se demander comment un tel endroit pouvait regorger de telles ressources.

Il quitta l'arrière boutique et se retourna afin de soigneusement fermer la porte, quand un nouveau grincement se fit entendre. Pivotant brusquement sur ses talons, il épia l'entrée. Un rat entra et, sans avoir le temps d'avoir peur, fonça dans une valise. S'en suivit un petit couinement, puis un cri. Puis, la valise s'ouvrit d'elle même. Quelque chose sans valeur dû se briser. Le rat s'était envolé dans les airs et atterrit inerte, devant l'entrée, dans un minuscule fracas d'os. Kharine s'approcha, et ramassa le rat.

«Бедное животное ...»

Dans l'allure la plus digne qui soit, Kharine posa soigneusement le rat inconscient sur le seuil, et sortit son revolver. Il attendit, puis tira.

«Tu peux sortir, maintenant. J'ai tué l'ennemi.»
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MessageSujet: Re: Le cri qui réveilla Barbe-Noire... (Kharine)   Le cri qui réveilla Barbe-Noire... (Kharine) EmptyDim 28 Nov - 19:05

La situation semblait irréelle. Madeleine, debout dans la valise, regardait avec une forme de fascination la pauvre petite bête qui gisait maintenant près de la porte d’entrée. Les pattes du petit rat se tordaient compulsivement. Son agonie devait être vraiment épouvantable. Pour un peu, Madeleine aurait presque ressenti de la compassion... mais bon, comme il venait quand même de planter ses sales petites dents acérées dans sa chair, elle ne trouva pas l’acte de son sauveur trop cruel. Nonobstant, elle était quand même un peu surprise par sa réaction extrême, et leva avec un soupçon d’inquiétude ses yeux sur lui.
La première chose qui la frappa chez cet homme fut la prestance qui émanait de tout son être. C’était une de ces personnes qui avait «un truc»... un air dur et autoritaire qui incitait au respect et à l'humilité, une carrure imposante, et une barbe qui ne l’était pas moins. La jeune fille se sentit soudain aussi forte qu’une petite souris à côté de ce géant. Qu’avait-il dit la première fois, d’ailleurs ? Madeleine trouvait que les mots qu'il avait alors prononcés étaient comme grossièrement écorchés. C’était une langue qui sonnait rudement à ses oreilles, et qui lui était totalement inconnue. Instinctivement, elle se courba un peu et commença à se tortiller les mains. Puis, prenant conscience de son attitude, elle se redressa et adressa un grand sourire à l’éradiqueur de rat :

-Vous êtes bien aimable, monsieur...

Et, relevant ses jupons, elle entreprit de s’extirper de la malle. Elle finit par poser un pied à terre, tout en délicatesse. Elle sourit à «l’homme imposant», et se mit à observer sa main meurtrie, qui commençait à enfler de manière fort peu gracieuse. Saleté de bestiole.

-Je... hum... je n’ai pas l’habitude de me cacher dans des malles d’habitude. Mais je vous assure, je n’avais pas de mauvaises intentions !

La rouquine épousseta vivement ses habits. Alors que sa main froissait et défroissait le tissu de ses jupes pour enlever la saleté, elle s’arrêta net. Elle regarda l’homme par-dessous ses cils. Elle l’avait déjà vu quelque part... mais où ?
Elle fouilla dans sa mémoire quelques secondes, avant le Flash Révélateur. Tortuga. Le faux-procès. Oui, elle s’en rappelait maintenant ! Quel rôle jouait-il, déjà ? Ah oui, le procureur. Le sévère, le menaçant, l’effrayant procureur. Elle se souvenait avoir pensé en le voyant que le pauvre accusé n’avait aucune chance... avant de se rendre compte que le procès était monté de toutes pièces.

-Vous... cherchez... quelque chose en particulier ? Je peux p’tête vous aider... même si c’est un peu le bazar ici...

Ou comment parler pour ne rien dire. Mais Madeleine s’était sentie obligée de dire quelque chose- même si c’était très inutile-parce qu’elle ne voulait pas paraître trop impolie auprès d’un homme qui venait de tuer «l’ennemi». En clair, elle développait le syndrome de la princesse qui se croit redevable envers son prince charmant. Dans toutes les histoires de princesses, arrivait le moment où un héros plein de coeur et de courage les sauvait en faisant couler le sang... automatiquement, les fragiles demoiselles épousaient ce héros après-coup, comme si c'était une évidence.
Mais mis à part les cheveux longs et l’air las qui traînait souvent sur son visage, Léna n’avait pas grand chose à voir avec une princesse, et l’homme, lui... n’avait pas grand chose de «prince», quant à «charmant» ... ce n’était sans doute pas l’adjectif le plus approprié pour définir ce pirate terrible, sans doute craint sur toutes les mers où il naviguait, et sur toutes les terres où il daignait poser ses bottes!

Que pouvait bien chercher un homme comme lui dans tout ce fourbis ? pensa Madeleine. Un trésor fabuleux caché sous de vieux parchemins jaunis ? Un secret enfoui sous l'épaisse poussière ? Ou avait-il rendez-vous avec quelqu'un qui lui était cher, une femme, qu'il aurait rencontré sur le continent plusieurs années auparavant, et dont il était tombé éperdument amoureux ?
Tout ceci était bien mystérieux !
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MessageSujet: Re: Le cri qui réveilla Barbe-Noire... (Kharine)   Le cri qui réveilla Barbe-Noire... (Kharine) EmptySam 18 Déc - 13:21

[Excuse, c'est pas beau, et en plus, je suis en retard]

Kharine enfouit ses deux mains sous son manteau, l'une pour ranger son pistolet, l'autre pour sortir son poignard. Il tourna le dos, s'accroupit, et coupa un bout de tissu de l'un des draps qui gisait au sol. Puis, se levant, il s'approcha dangereusement de la jeune fille, mais ne fit que passer à côté, tissu en main. Il leva son bras, et commença à nettoyer les vitres crasseuses d'une fenêtre scellée. La pièce s'illumina sensiblement, mais non content du résultat, Kharine cracha sur la vitre et frotta encore, jusqu'à ce qu'un lourd et long bloc de lumière vint couper la pièce en deux. Il jeta le chiffon, et souffla dans ses mains. Toute la poussière de la pièce s'agita et se bouscula, mais tout finit par reprendre sa place, à peu de détails près. Il jeta un coup d'œil vers le rat, et le contourna avec l'épaisse masse de lumière qui le séparait de cette fille qu'il n'avait pas encore daigné regarder.

«Ma petite, le temps libre n'a rien d'amusant pour nous, car il est trop court. J'ai l'occasion de me distraire pendant quelques heures, et je compte bien ne pas m'encombrer de tes paroles. Mets toi donc ceci dans le crâne ; Ne viens jamais chercher un pirate qui a les pieds à terre, il ne sera pas d'humeur. À l'avenir, ça te sauvera peut-être la vie.»

Ce disant, le pirate s'était avancé vers l'étagère couverte du fond de la pièce, à côté de la porte de l'arrière-boutique. Ses pas firent craqueler toutes les planches du sol, et le plafond se mettait à grincer, menaçant de s'effondrer. Ignorant tout cela, Kharine voulu retirer le drap qui recouvrait ce meuble, mais il était soigneusement cloué au sol et au plafond, de façon à ce que l'on ne puisse pas le retirer. Qu'il en soit ainsi, Kharine le déchira dans toute sa longueur. Une rangée de verres précieux était alignée sur chaque étage du mobilier. Leur valeur se lisait dans le regard avide de Kharine, qui semblait être face à une douzaine de saint-graals. L'un d'eux attira son attention. Il s'agissait d'une coupe de verre, gravée de cristal au sommet, et ornementée d'or dans son pourtour. Il n'était pas un grand connaisseur, mais savait très bien que ces choses là valaient gros.

Il l'empoigna sobrement et l'enfonça dans une poche, puis, enfin, se retourna. Face à lui, la femme ressemblait à une statue. Kharine s'en approcha et l'inspecta rapidement, comme un animal viendrait renifler un intrus. Il n'était pas omniscient, mais voyait très bien que cette fille là n'était ni une clocharde, ni une bourgeoise, comme tentait de faire croire sa tenue. Kharine aperçu seulement cette saleté aux souliers, ainsi qu'une blessure le long de ses mains. D'abord douteux, il empoigna vivement l'avant bras de la jeune fille et regarda sa paume. Ce n'était pas une hallucination ; une épaisse ligne rose et creusée traversait la main de la demoiselle. Cela ne pouvait signifier qu'une chose. Elle était mousse. Il n'y a que les pirates pour avoir la folie d'accepter une femme à bord, et selon la hiérarchie, seuls les mousses tirent les cordages des voiles. Kharine savait très bien cela, il avait été mousse, lui aussi.

«Mais... tu dois savoir de quoi je parle, n'est ce pas ?»

Kharine fit nettement sentir toute sa froideur et son mépris. Mais son ressentiment était bien plus fort, il était répugné, écœuré. Une pirate... Ce mot là ne devrait exister qu'au masculin ! Cette fille n'avait pas l'étoffe d'un pirate, ni même d'un mousse, et Kharine lui promettait déjà de mourir jeune. Le rat en aurait témoigné ; il ne fait pas peur aux meurtriers ou aux bandits. Il n'effraie que les gens fragiles et les filles trop bien élevées.

«Maintenant, dis moi... à quel équipage appartiens-tu ? Au prince des tempêtes ? Au Hell's Ship ? À moins que tu ne viennes de plus loin ? Si ça peut te rassurer, tu ne seras pas jugée pour appartenir à l'un d'entre eux, ce n'est que pure curiosité. Néanmoins, quelle que soit ta réponse, je te tuerai.»

Ces mots sortirent comme les vices de la boite de pandore, comme une banale évidence. Et pour cause, c'était bien plus qu'une évidence pour lui. Une femme ne peut être pirate, et pour peu qu'il aie l'occasion d'en croiser une sans aucun regard indiscret aux alentours, Kharine entend faire justice lui-même. Il avait déjà tué une femme, il y a deux ans de cela. C'était une canonnière expérimentée, mais c'était tout de même une femme. Il s'en souvenait parfaitement et se demandait alors pourquoi n'avait-il pas tué d'autre femme depuis. Le sexe faible n'était pas de ses meilleures fréquentations, certes, mais il y avait autre chose... Ce fichu code d'honneur.

Et puis... Kharine n'avait pas réellement envie de la tuer maintenant. C'était bien son égoïsme qui l'avait poussé à dire qu'il le ferait, mais sa phallocratie y était pour peu. Il ne s'agissait que de sauvegarder son honneur. Kharine posa alors sa main contre le pommeau de son pistolet.
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MessageSujet: Re: Le cri qui réveilla Barbe-Noire... (Kharine)   Le cri qui réveilla Barbe-Noire... (Kharine) EmptyMer 22 Déc - 22:27

"Pas charmant", n'est-ce pas... ? Jamais euphémisme n'avait été aussi réussi. Il venait tout simplement de lui dire que ses paroles l'importunaient, et qu'il n'avait pas de temps à perdre à discuter avec elle. Les pirates n'étaient pourtant pas tous aussi désagréables, faillit-elle répliquer, avant d'opter pour l'indifférence totale. Le temps de Monsieur était trop précieux pour qu'il s'efforce d'échanger deux ou trois phrases avec quiconque ? Eh bien, celui de Madeleine l'était aussi. Pas question qu'elle essaie de parler à cet individu. Comme il lui tournait le dos, elle en fit de même. Elle ne le vit pas commettre son larcin-si elle l'avait aperçu embarquer la coupe, elle n'en aurait pas été choquée : depuis les quelques semaines qu'elle avait passées avec des pirates, elle savait désormais que le vol était quelque chose d'admis, et même de normal dans leur univers : cela ne la dérangeait pas trop : après tout, plumer les riches avait un côté assez agréable : comme si en dépossédant certaines personnes trop aisées de leurs biens, on réparait une injustice. Et en ce qui concernait la situation présente, c'était la faute du gérant s'il laissait sa boutique sans surveillance...forte de ses convictions, Madeleine, qui avait aperçu un joli chapeau enrubanné traîner dans un coin, se disait que peut-être, elle devrait faire comme le pirate. Mais elle n'en eut pas l'occasion, car celui-ci s'était retourné et se dirigeait vers elle. Elle se figea, et ne bougea plus d'un cil, subitement effrayée . Il lui empoigna violemment l'avant-bras, et avisa la marque rosée qui traversait sa paume. Puis, sans qu'elle comprenne vraiment pourquoi, il la menaça... la tuer ? Parce qu'elle faisait partie d'un autre équipage ? Mais, elle n'était que mousse ! Ca ne se faisait pas, on ne tuait pas de simples mousses : ils ne représentaient aucun danger véritable. Il devait y avoir une autre raison..

-Moi, PIRATE ?!! Non mais ça va pas ! Vous m'imaginez, moi, avec des gens comme eux ? Quelle horreur ! J'ai voué ma vie au Seigneur, moi, je ne verse pas le sang ! Si cette trace que vous avez vue sur ma main vous a surpris , c'est parce que je monte au clocher chaque matin pour tirer la cloche : je suis la bonne du curé !

Madeleine fut assez surprise de sa propre capacité d'analyse : elle avait tout de suite compris que si elle voulait s'en tirer, il fallait trouver une excuse pour justifier la marque rouge imprimée dans sa paume. Elle observait maintenant le pirate avec un mélange de défiance et d'angoisse. Si il décidait de ne pas la croire ? Et si il se fichait bien, en réalité, de qui elle était, et qu'il avait décidé de la tuer pour... assouvir sa soif de sang ? L'imagination de notre moussaillone fonctionnait à plein régime, et elle se voyait déjà étendue raide morte sur le plancher grinçant. Du sang froid, du sang froid, que diable ! Mais Madeleine sentit son courage s'évanouir quand elle croisa à nouveau les yeux froids- sybériens aurait été plus juste-du pirate. Elle serra les poings comme si elle essayait d'insuffler à son corps un peu de force.

-Je vis ici depuis toujours. Je n'ai jamais entendu parler de jeunes filles qui seraient des pirates. Une fille n'aurait pas la force de partir en mer, c'est trop dangereux !

Oh, le mensonge éhonté ! En d'autres circonstances, ce discours sexiste l'aurait indignée, et elle aurait ri au nez de celui qui avait osé proférer de telles sornettes. Mais pour s'en tirer, mieux valait jouer les filles bien éduquées et correctes sous tout rapport. Il n'avait de toute façon aucune preuve de son appartenance à un équipage de pirates... pourvu qu'il avale cette histoire de bonne du curé !
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MessageSujet: Re: Le cri qui réveilla Barbe-Noire... (Kharine)   Le cri qui réveilla Barbe-Noire... (Kharine) EmptyMer 29 Déc - 22:25

Dans un silence divin, le plafond grinça à nouveau. Kharine ré-inspecta la coupe de verre. Elle lui semblait soudain beaucoup moins belle, beaucoup moins précieuse.

«Mmh... La bonne du curé, hein ? Et le curé de quoi, je vous prie ? De quelle province ? Il n'y a pas d'église, ici.»

Il se rendit à l'étagère où il reposa la coupe là où il l'avait trouvé, puis retourna vers la fille et l'entrée. La fenêtre qu'il venait de nettoyer avait règlé le problème de la luminosité, mais pas celui de la poussière qui commençait à agacer Kharine lorsqu'il remarqua qu'elle se déposait sur sa précieuse fourrure. Comme s'il était seul dans la pièce, il s'approcha lentement de la porte d'entrée, tout en époussetant soigneusement sa manche droite. Là, à l'aide du rond de son poignard, il brisa les deux grandes vitres de la fenêtre, et défonça d'un coup de pied la porte en bois déjà abîmée. La pièce lui sembla sensiblement moins dense en poussière. Puis, il entreprit le chemin inverse, mais cette fois, ce fut sur son chapeau ôté qu'il tambourina. Il s'arrêta près de la fille. L'affaire finie, il renfonça son chapeau sur son crâne. Ce fut dans la plus grande des négligences que Kharine sortit son pistolet de sous son long manteau. La poussière se raccrochait déjà à son chapeau et ses manches. Il inspecta l'amorce à poudre explosive, et ce faisant, il repensa à ce qu'avait dit la fille condamnée... La bonne du curé... Il fallait y penser tout de même ! C'était à la fois étrange, comme derniers mots d'un condamné, mais aussi honteusement judicieux, de la part d'une femme. L'on aurait aisément pu croire cette tromperie, mais hélas, l'erreur commise était de ne pas avoir plu à Kharine. Ce qui n'était pas chose donnée, car elle ne dépendait que de lui, ou bien de la fortune, dirons ces imbéciles de superstitieux

Enfant, feu son père Valentin l'emmenait chaque semaine au somptueux théâtre d'Arkangelsk, où se produisaient une troupe d'acteurs qui plus tard partit à la capitale grâce à son talent. Arrivé à l'adolescence, quand il put vendre ses services à son entourage, Kharine payait de sa propre poche voir et revoir de grandes pièces grecques. L'autre univers. Les acteurs étaient des dieux, la scène un univers, et l'intrigue lui semblait fréquemment plus réelle que le réel. Kharine cessa bien vite de voir des pièces, faute de temps, mais tout le théâtre qu'il avait pu voir s'était irrévocablement emmagasiné dans son esprit, en même temps qu'il disparaissait de sa mémoire. Cela explique non seulement son allure grandiloquente, le fait qu'il soit davantage un personnage qu'une personne, mais aussi, comme dans la situation présente, celui qu'il prête un œil tout attentionné aux détails des scènes desquelles il a la chance d'être témoin. Scène est le mot juste, celui qu'il convient d'employer en présence de Kharine, car ce dernier ne cesse de s'escrimer, plus ou moins consciemment, à interpréter la vie comme une pièce tragicomique, découpée en actes et en scène. L'entrée d'un homme dans une taverne était une protase, la dispute qu'il entamait, une épitase, les ivrognes qui s'y mêlent, une catastase. Alors, Kharine attendait le dénouement de la pièce, la vulgaire bagarre serait la catastrophe, le point d'orgue de la pièce. Tout était théâtre, mais rien n'en avait la valeur. C'est ce que s'était appris Kharine. Il ne l'a jamais oublié, il n'a jamais rien oublié du théâtre d'Arkangelsk. Mais, l'unique concept du théâtre qu'il était incapable de comprendre était le catharsis. Ce n'est pas rien. Il y fut confronté de nombreuses fois, mais ne sut jamais comment s'y prendre pour y céder. Il n'était sensible qu'à ses propres caprices.

En face de cette belle comédienne, Kharine ne pouvait rien éprouver, peut-être parce qu'il était lui aussi acteur de cette scène. Mais le pilier de la cause était tout autre ; le catharsis était en œuvre et s'appliquait, quelque part dans cette pièce. La jeune fille l'invoquait, mais il n'est d'aucune utilité, quand Kharine quitte son poste de spectateur pour devenir acteur. Qui pis est, grâce à ce formidable concept qu'il avait fait sien, Kharine cru comprendre qu'il était le personnage clé de cette scène, et qu'il devait faire quelque chose de grandiose, faire avancer la pièce, intensifier la catastase et revenir pour la catastrophe. Il fallait jouer avec panache, avec toute la grandeur de ses idoles d'enfance, avec la force d'Othello et de Hémon réunis.

«Il semble certes que tu sois infiniment trop couarde pour mener la vie que je t'accuse d'avoir. Mais la Jacressarde n'est pas un lieu, ni où l'on se perd, ni où l'on entre sans le connaître. Je ne veux pas vous entendre vous justifier. Maintenant, mourrez

La fille allait sûrement répondre d'une tirade digne des tragédies d'Euripide. Elle le devait. Kharine ne l'interromprait pas, il devait s'agit d'une réplique-clef. L'action du bourreau avait sa grandeur, la mort de la femme avait aussi droit à la sienne.

«...Un dernier mot ?»

Ces mots tombèrent comme des pierres. Comme les commandements aux mains de Moïse. Kharine pointait son pistolet entre les deux yeux de sa future-victime, le visage proche du sien, le bras plié en arrière.
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Hyacinthe Vivien

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Hyacinthe Vivien

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MessageSujet: Re: Le cri qui réveilla Barbe-Noire... (Kharine)   Le cri qui réveilla Barbe-Noire... (Kharine) EmptyDim 2 Jan - 21:07

Hyacinthe trainait des pieds sur le chemin du retour. Le vent lui mordait le visage et il ne pouvait qu’enfoncer un peu plus sa tête entre ses épaules. Le panier d’osier était bien plus léger que d’habitude, les affaires n’avaient pas été fructueuses ce matin. La houle avait soufflé si fort que les vagues avaient bien failli envahir l’allée commerçante du port, une grosse tempête s’annonçait. On s’était donc rués au marché faire des provisions pour quelques jours et la hausse de la consommation avait soudainement fait augmenter les prix. Autant dire que la soupe n’aurait pas beaucoup de goût ce soir, ce n’était pas avec ses quatre choux que Renée allait nourrir son bataillon de miséreux. Mais Hyacinthe ne pensait pas à ça, il s’inquiétait plus des dégâts de la tempête sur la toiture déjà bien abimée de la bâtisse. Il allait surement passer sa journée à colmater les fuites et la suivante à les réparer. En tant que homme de la famille, il se devait d’assurer toutes les diverses réparations. Et il ne manquait pas de travail : pour remettre la Jacressarde en état, il aurait sans doute fallut toute une armada de menuisiers chevronnés. A lui seul, il peinait à la faire tenir debout et il craignait chaque jour en montant à l’étage de se tuer en traversant le plancher.

Il avait appris avec l’âge l’art du marteau et des clous, comment frapper bien à l’horizontal et avec suffisamment de force en évitant ses doigts. Il avait appris à supporter la douleur des échardes dans la paume, des bleues sur les épaules quand il fallait défoncer la porte au bois gonflé qui menait à la cuisine et la viscosité de l’huile sur les mains quand on entretenait les gonds. Et malgré tous ses efforts, la Jacressarde gardait son aspect miteux, à l’image de ses habitants, comme s’ils l’avaient contaminée avec leur déchéance. Et Hyacinthe voulait partir, partir le plus loin possible avant d’être atteint lui aussi, encore plus profondément qu’il ne l’était déjà. Mais pour l’heure, il se devait de rentrer déposer son fardeau, comme tous les matins et comme demain surement. Une légère bruine commençait à tomber, il accéléra le pas.

Arrivé devant les larges portes en bois, celles des habitués qui donnaient sur la Pierreuse, Hyacinthe répugna à entrer. Il leur préféra celle de la Boutique, sa petite Boutique, refuge où s’amassaient toutes sa quincaillerie, comme les milles pièces du puzzle de son âme. Il grinça des dents à la vue de la porte défoncée étendue devant l’entrée, on avait apparemment forcé son antre, même si « forcer » semblait un bien grand mot pour la facilité qu’il y avait à y pénétrer. Il discerna deux silhouettes à travers les carreaux sales, le crissement du vers sous ses pieds confirma ses doutes sur la disparition de deux nouveaux. Rafistoler du bois était une chose, souffler le vers en était une autre. Comme s’ils avaient les moyens de faire venir un vitrier.

Il enjamba avec précaution la porte, son pied en aurait surement traversé le bois s’il avait tenté de marcher dessus. La scène qu’il surprit le cloua sur place, les yeux ronds. Il s’attendait à rabrouer de piètres voleurs, quelques gosses pas bien malins pour venir dépouiller les pauvres. Mais certainement pas…ça. Ses yeux passèrent rapidement de l’homme patibulaire à la jeune fille en s’arrêtant longuement sur le pistolet. Par réflexe, il chercha son arme des yeux, bien à sa place sous le comptoir, de l’autre côté de la pièce, hors d’atteinte. Il allait devoir jouer finement. Hyacinthe déglutit et se força à se dérider.

« Je vois que vous ne m’avez pas attendu pour prendre vos aises ! La Boutique est fermée à cette heure-ci normalement. Mais nous pouvons bien faire une exception pour quelques clients matinaux. La Jacressarde accueille toujours avec plaisir les voyageurs. Quelque chose vous ferez-t-il plaisir, Monsieur ? N’hésitez pas à fouiller, nous avons de tout. Mais peut-être désireriez-vous quelque chose pour entretenir votre arme ? Je ne suis pas un fin connaisseur mais elle me semble de belle facture. Madame a surement dû le constater. Il serait dommage de laisser un si beau pistolet s’enrailler. Si vous permettez… »

Il accompagna sa tirade d’un sourire commercial, essayant de contrôler les tremblements de sa voix. Il laissa doucement tomber son panier au sol, faisant rebondir les choux, gardant bien ses mains dans le champ de vision du pirate. Car il ne pouvait qu’en être un, ils étaient nombreux en ce moment à venir revendre leurs trouvailles de l’année. Il les avait entassés sur l’étagère du fond qu’il avait camouflée derrière un drap, évitant de les laisser en exposition. Un coup d’œil lui permis de voir qu’ils avaient été découverts. Si sa vie n’avait pas été menacée, sans doute aurait-il directement vérifié s’il ne manquait pas un joyau à sa collection. Mais l’heure n’était vraiment pas à l’avarice.


Dernière édition par Hyacinthe Vivien le Lun 17 Jan - 20:25, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Le cri qui réveilla Barbe-Noire... (Kharine)   Le cri qui réveilla Barbe-Noire... (Kharine) EmptyDim 16 Jan - 10:58

Elle avait menti avec effronterie : elle avait fait attention à prendre son air le plus innocent, avaient cligné des paupières dans des manières de jeune fille effarouchée, et avait même légèrement agrandi les yeux pour que son visage paraisse un peu plus naïf.
Mais le problème n'était pas dans la façon qu'elle avait de jouer son rôle : elle était à vrai dire plutôt bonne comédienne. Non, la chose qui clochait consistait en un tout petit détail technique : un détail auquel elle n'avait pas du tout réfléchi : apparemment, il n'y avait pas d'églises à la Jacressarde. Et à la pensée qu'il aurait suffi qu'il en existe une, une misérable petite église, pour que sa vie soit épargnée, elle sentit des larmes lui monter aux yeux. C'était tellement injuste...sa destinée était tellement, tellement cruelle ! Se faire assassiner par un barbare de pirate bestial et sanguinaire pour... pour rien! Qu'avait-elle donc fait pour qu'il la déteste à ce point ? Car il venait de lui avouer qu'il ne pouvait de toute façon pas croire qu'elle était une pirate, au vu de sa lâcheté. A ces mots, malgré la peur, malgré ce qu'elle savait être son destin, terrible et imminent, elle ne put s'empêcher d'éprouver un sursaut d'orgueil, l'envie de répliquer quelque chose de cinglant à cet individu au regard froid. Oh non, elle ne laisserait pas ce grossier personnage qui agissait comme un homme des cavernes ( en témoignait la porte défoncée par ses soins, ainsi que les vitres brisées) avoir le dernier mot. Mais que dire quand tout votre esprit semble flotter dans une sorte de brouillard opaque et impénétrable ? Quand un pistolet tenu par un individu sans scrupules est braqué entre vos deux yeux, prêt à décharger sa sentence de plomb à chaque moment ? Elle entendit vaguement le pirate demander si elle avait un dernier mot à prononcer.
Si tout cela n'avait pas été terriblement réel, elle aurait sans doute affiché un grand sourire : non mais où il se croyait, l'autre ? Pour qui se prenait-il ? C'était quoi, cette phrase pré-fabriquée de héros vengeur ? Pourtant, il fallait bien trouver quelque chose : Madeleine n'était peut-être pas très courageuse, mais elle n'était pas non plus totalement lâche, comme semblait le croire son adversaire. Quitte à mourir, autant le faire avec élégance. Mais Léna ne trouvait rien : il était difficile de dire quelque chose d'intéressant quand on s'apprêtait à prendre une balle dans la tête.

C'est alors que survint le miracle. Un jeune homme, cheveux noirs et yeux clairs, entra dans la pièce, en prenant bien soin de ne pas s'entailler les pieds avec les éclats de verre. Léna ne s'attarda pas sur le fait qu'il avait l'air plutôt fragile, un peu trop pâle et un peu trop jeune par rapport à l'autre : ce nouvel arrivant était la personnification de l'Espoir.
Elle ne bougeait pas. Souffle coupé, elle écoutait le jeune homme essayer de trouver un moyen de la tirer de ce mauvais pas. En réalité, il ne semblait pas pouvoir faire grand-chose pour elle : il n'était pas armé, et ne pouvait rien tenter (sauf si bien sûr il décidait de se servir de son panier de choux pour assommer la brute épaisse qui faisait face à la jeune demoiselle). Néanmoins, son intervention retardait la main du pirate, et Madeleine se prit à espérer que peut-être, celui-ci n'oserait pas la tuer en présence du gérant de la boutique, par peur qu'il ne donne l'alerte. Dents profondément enfoncées dans sa lèvre inférieure, les mains moites et le front noyé de gouttelettes de sueur, elle attendait la suite de l'histoire, comme une spectatrice vaguement consciente du drame qui se déroulait devant ses yeux, drame dans lequel elle jouait en fait un rôle capital. Après tout, pourquoi pas attendre et espérer... ? Parfois, il fallait juste laisser le destin s'occuper de vous. A peine avait-elle eu cette pensée que ses yeux se fixèrent sur l'objet de sa convoitise... la chose pour laquelle elle avait franchi le seuil de la boutique se trouvait posée à côté de l'armoire, à moitié dissimulée sous une pile de breloques disloquées. Un gros livre. Non, elle ne pouvait plus ne rien faire ; agir, il fallait qu'elle tente quelque chose.

(A venir).
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La Fortune

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MessageSujet: Re: Le cri qui réveilla Barbe-Noire... (Kharine)   Le cri qui réveilla Barbe-Noire... (Kharine) EmptyJeu 3 Fév - 23:41

Qui parle quand je parle ? Qu'on fasse silence.

La Dame entre les siècles fait la différence :
Jadis Molière à la barbe du barbon
Dans sa pièce donna la toute-puissance ;
La Fortune aujourd'hui rend justice au jupon.

Quand on court après un malfaiteur, un futur pendu, on ne s'embarrasse guère d'égards. A la recherche d'un homme sans scrupules, la douzaine de soldats n'hésita pas un instant en voyant la porte de la boutique enfoncée. D'un geste, le sergent arrêta sa troupe. Cliquetis d'armes. Il considéra les deux jeunes gens et l'homme imposant qui se trouvaient là. En désignant ce dernier du doigt, il ordonna à ses hommes :

- Emparez-vous de lui !

Déjà le Khazi était en joue, et on criait qu'il ne bougeât pas.

- Je te reconnais, dit le sergent à l'adresse du jeune homme. Tu es le fils Vivien. Puis se tournant vers la jeune femme : Vous a-t-on molestée ?

Sous ce "vous", il y avait l'individu qui avait souhaité si froidement la tuer. Mais avant qu'elle pût répondre, un soldat intervint :

- C'est lui, sergent. Il correspond à la description de la vieille !

- Même sans la vieille, renchérit un autre, il a la face d'un gibier d'potence, j'mettrai ma main à couper qu'ce sera pas une mauvaise prise !

- Pirate ? Dit un autre encore.

- Silence ! S'écria le sergent.

Un semblant de calme revint dans la pièce. Quelques badauds avaient ralenti devant la porte enfoncée.

- Bien, reprit le sergent. Un homme a abattu de sang-froid quatre passants à quelques rues d'ici, avant de prendre la fuite. Les cris nous ont détourné de notre ronde et nous ont conduit ici. Croyez-vous, jeune Monsieur Vivien, ou vous, Mademoiselle, que nous tenons notre homme ?

Et disant cela, il scruta Kharine, toujours dans la ligne de mire de cinq ou six mousquets, avec un air de profonde méfiance. Ses yeux s'arrêtèrent sur le pistolet que le Khazi tenait toujours en main. Vraiment, c'était le parfait coupable. Personne ne s'élèverait contre la pendaison de ce genre d'énergumènes. Et s'ils s'étaient trompés, foi de soldats, on pouvait bien imaginer que ces mains s'étaient de nombreuses fois plongées dans le sang. Peut-être était-ce le sort qui le mettait sur leur route, finalement ?...

A vous, agneaux que le sort favorise, de décider. Entre vos mains est mise la liberté - et la vie - de cet homme qui vous voulait tant de mal. Le livrerez-vous, pour un crime dont on l'accuse et qu'il n'a pas commis ? – songez à tous ceux qu'il a commis mais dont on ne l'accuse pas. Le protègerez-vous ?

A toi, homme de feu et de fureur, Amphitrion sur la terre posé : choisis de te défendre par les mots ou par les poings, choisis de fuir... Mais il faut choisir.

J'ai prévenu :

Qui parle quand je parle ? Qu'on fasse silence.
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MessageSujet: Re: Le cri qui réveilla Barbe-Noire... (Kharine)   Le cri qui réveilla Barbe-Noire... (Kharine) EmptyDim 13 Mar - 18:13

La catastase était loin de tout ce à quoi Kharine aurait pu s'attendre. Elle prit d'abord l'apparence d'un maigre freluquet. C'était là un acteur d'un tout autre genre de théâtre, agissant en faquin de premier ordre. Il y a un traitre dans la troupe. Mais l'on pouvait tout de même accorder que ce jeune garçon avait grande aise sur cette scène, quoi que cela ne relevât davantage de l'insolence. L'on pu en effet croire que ce garnement se sentait tout-permis, extérieur aux évènements comme un dieu.

«Si vous permettez…»

On ne permet pas ! Ne voulant pas épargner la demoiselle du canon pointé vers elle, Kharine n'eut d'autre choix, pour repousser le jeune homme, que de pointer vers lui son vulgaire poignard un peu émoussé. Tuer l'un, l'autre, ou même les deux n'aurait pas posé de problème. Qui viendrait se soucier de deux morts si ceux-ci se trouvaient à la Jacressarde ? L'industrie du crime n'y est pas étrangère, ici. De plus, l'honneur que Kharine mettait sur lui était en jeu. Il avait immobilisé une pirate et un miséreux, et la logique des choses voulait que l'évènement suivant soit un double homicide. Mais à cet instant, l'esprit de Kharine s'égara, et il eut la soudaine envie d'être extérieur à tout cela, pour pouvoir contempler la statue qu'il avait lui même sculpté et dont il faisait partie. Un bloc de pierre représentant ces trois personnages serait-il considéré comme art ?

Pour Kharine, c'était évident.

Pour les soldats, ça l'était moins.

La paralysie ne demeura complète qu'un court instant, tandis que des pas hâtifs s'approchaient et sonnaient comme une averse. Les trois protagonistes tournèrent la tête vers la porte défoncée, et attendirent un événement, hébétés.

Jamais la vie de Kharine n'avait été aussi théâtrale. Lui qui s'était évertué à être un personnage plutôt qu'une personne, à donner son importance à chacun de ses gestes et de ses mots, le voilà aujourd'hui au beau milieu d'un épique quiproquo ! Jeu de scène peut-être vu et revu, mais qui ne manque pas d'originalité dans un contexte pareil. En effet, un grand meurtrier des mers que l'on prend pour un petit assassin de bas-étages, c'est quelque chose dont on peut tirer profit, avec un peu de malice. La musophobe et le végétarien, quant à eux, avaient toutes les raisons du monde de prendre le parti de leurs sauveurs, et c'était tout en leur honneur, quoiqu'il s'agisse du jugement d'une chose que Kharine, dans le cas échéant, n'avait pas commise. Le moyen justifiait la fin sans même s'en rendre compte.

Trois petits soldats de plombs sautèrent sur Kharine, et s'agrippèrent à ses bras, sans que ces derniers ne fléchissent. Un tigre de l'Oussouri ne tombe pas lorsque son pelage est percé de plomb, pourquoi faudrait-il qu'il cède lorsque le plomb en question se contente de le tenir ? Kharine pourrait soulever le soldat qui tenait son bras gauche rien qu'en haussant son épaule.

Il bascula lentement son corps sur le côté, comme une statue qui aurait pris vie se déniaiserait de son arthrose. Ses yeux se plantèrent dans ceux d'un soldat qui, pétrifié, balbutiait d'incompréhensibles syllabes. Comme le chant des sirènes, mon regard est une hypnose. Mais la ligne ennemie était toujours en joue, prête à faire feu. Le tigre ne se soumettra pas ! D'un pivot de cheville, Kharine refoula les trois soldats de plombs en se retournant. Il se colla derrière la fausse bonne du curé qui, à l'instant ou son ravisseur lui colla à nouveau son revolver au visage, devait soudain croire en Dieu, et se dire qu'une prière suffirait pour l'envoyer au paradis. Kharine étreignit la maigre femme d'un bras, sous son cou, tandis que la chambre de son revolver jouissait de hâte de creuser un trou dans la cervelle de la demoiselle.

Kharine, la tête au dessus de celle de son otage, poussa cette dernière à le suivre vers la porte, serrant sa prise au cou autant qu'elle s'en défendait. Il posa son regard empli de dédain sur le sergent et ses soldats, impuissants.

«Je suis navré de quitter la scène d'une manière si peu cavalière.»

Ce disant, Kharine recula lentement avec sa proie vers la sortie...

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