Cap à l'Ouest !
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 Charlie "Chip" Withmore

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AuteurMessage
Charlie Withmore

☼
Charlie Withmore

Masculin
Messages : 665
Localisation : Quelque part, c'est toujours ailleurs...
Humeur : Vous allez finir par me rendre chèvre...

Carte aux trésors
Amis, ennemis, connaissances:
Baratin de haute importance:
Charlie "Chip" Withmore Vide
MessageSujet: Charlie "Chip" Withmore   Charlie "Chip" Withmore EmptyMar 9 Nov - 21:18

Charles Edward Jonathan Withmore, dit Goaty Charlie (et ne lui demandez jamais, jamais pourquoi. Non, vraiment. Ne le faites pas.)

Charlie "Chip" Withmore Pirate14

« Hardi les gars ! On a un kraken à chasser ! Comment ça « les krakens n’existent pas » ? T’es sûr ? Bon, ben un vaisseau fantôme à renvoyer aux enfers alors ! Non plus ?Bah mince. Juste une caravelle de marchands, tu dis ? Nom d’une putain vérolée, remplis plutôt mon verre, c’est trop déprimant… »

__________________________

"Le secret pour bien réussir dans la vie, c'est de se trouver un pantalon où t'es bien d'dans. La vie est toujours plus simple quand on s'sent bien dans son pantalon."


_____________________________________________________________


Charlie "Chip" Withmore Sanstitre1zqu

    « Charlie Edouard Jonathan Withmore ! Debout, espèce vieux radin d’écossais ! »

    Une série de coups sourds tambourina à la porte de la petite chambre, faisant grogner Withmore dans son demi-sommeil. Lovée dans ses bras épais, Madeline s’étira en baillant. Elle repoussa le drap sans pudeur, dévoilant son corps nu qui semblait étonnamment frêle à côté de la silhouette impressionnante de son compagnon. La fille se dégagea de l’étreinte et s’assit sur le rebord du lit. Les bras de Withmore s’agitèrent mollement sur a surface du lit, comme s’ils cherchaient un autre corps à serrer. Un léger filet de bave coulait de ses lèvres sur l’oreiller tandis qu’il abandonnait tout effort et se retournait sur le côté avec la grâce d’un morse échoué avec la ferme intention de replonger dans le sommeil. Si possible très loin du vacarme des poings menus mais fermes de Madame Jeanette qui frappait à la porte. Et de la voix de perruche qu’elle avait lorsqu’elle perdait son tempérament (ce que Withmore ne lui aurait jamais dit en face ; personne ne disait quoi que ce soit en face de Madame Jeanette. On ne se méfiait jamais assez d’une femme de moins d’un mètre quarante, surtout quand elle maniait le parapluie à la perfexion.).

    « Chip… » murmura Madeline, se penchant au-dessus de Withmore tandis qu’elle le secouait doucement. Réagissant au surnom, l’homme grogna de plus belle et plaqua l’oreiller contre ses oreilles.

    « WITHMORE ! »

    « Chip ! »

    Bon dieu, mais qu’avaient donc toutes les femelles de l’univers à se liguer contre lui de si bon matin ? Quelque part sous son crâne, son esprit ensommeillé était en train de se dire qu’il ne devait même pas être encore midi. Il soupira, fermant encore plus fort les yeux des fois que cela lui boucherait les oreilles, puis la notion de l’heure s’imposa soudainement à lui avec la force d’un hippopotame en pleine charge. Et il y avait des choses bien plus dangereuses que de subir la charge d’un hippopotame en pleine charge. Subir l’ire d’un certain capitaine, par exemple.

    « Bon dieu ! »

    Jaillissant du lit, Withmore se précipita pour ouvrir la porte, révélant une Mademoiselle Jeannette le poing levé, la bouche ouverte et le visage rougeaud.

    « Merde la Jeanne, pourquoi tu m’as pas réveillé plus tôt ? »

    « C’est un bordel ici, pas un hôtel pour dignitaire. Et puis à trente-huit ans, tu devrais être capable de te réveiller tout seul comme un grand ! »

    Derrière Withmore, Madeline enfilait une chemise d’homme trop grand pour elle, amusée. Ce genre de scène se produisait à chaque fois que Withmore venait passer une nuit dans le petit bordel de Madame Jeanette. Le second du Prince des Tempêtes et la tenancière s’adoraient, mais prenaient à cœur de ne jamais le montrer. L’homme tourna le dos à la patronne et se dirigea d’un pas chaloupé vers le lit, rassemblant ses affaires.
    « Et puis c’est la troisième fois que je monte cogner à la porte ce matin, idiot ! Tu fais un beau pirate, tiens ! »

    « Et moi qui avait embrassé la profession parce que, contrairement à la royale, aucun officier ne venait nous gueuler dans les oreilles chaque matin à l’aube. Tu sais, une vie libre, une fille dans chaque port, tout ça. Et puis après ce qui s’est passé en Afrique, j’avais plus trop le choix, hein ? J’ai toujours su que j’avais raté ma vocation en m’engageant, de toute façon. »

    Il fourra un tas de vêtements et de petits objets dans un sac de toile. Il attrapa un petit carnet qu’il se mit à feuilleter frénétiquement, jusqu’à ce qu’une de ses mains se mettent à glisser sur la table de nuit. Amusée, Madeline lui glissa ses lorgnons, qu’il chaussa immédiatement.

    « Bon dieu de bon dieu. J’peux pas être en retard pour superviser le ravitaillement. C’est important, ça, le ravitaillement. »

    « Elle te fait peur à ce point pour que tu lui fasses ses quatre volontés, à cette petiote de capitaine ? »

    « Un conseille Jeanette : si tu la croise un jour, n’utilise pas le terme « petiote ». Ou « gamine ». Et elle ne me fait pas peur. Elle est seulement plus facile à vivre quand on fait le boulot à la lettre. Puis c’est une brave gosse. » Il releva soudainement la tête tandis qu’il terminait de boutonner la chemise : « Il ne faut jamais qu’elle sache que j’ai dit ça ! »

    « Qu’est-ce que j’irai lui dire tes idioties, de toute façon ? C’est ta vie, hein. »

    « Et elle me convient très bien pour l’instant, alors j’vais éviter d’y foutre le bordel. Allez, j’crois qu’j’suis paré ! A bientôt ma belle ! »

    Il plaqua un baiser sonore sur la joue de Madeline et jeta son sac sur l’épaule, faisant face à Jeanette :

    « Et bien quoi ? Je suis pressé ! »

    « J’avais compris. Mais par pitié, enfile d’abord un pantalon ! »



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    « Et lui là ? L’a pas l’air dégourdi. Sûrement plus de graisse que de muscles. »

    Grégor-Une-Oreille plissa les yeux, se demandant comment son compagnon pouvait arriver à cette conclusion dans l’obscurité de la pièce. La taverne, non contente d’être une des plus petites de l’Ile de la Tortue, devait aussi être celle qui usait le moins de bougies et de lanternes. Le peu de lumières n’aidaient pas à éclaire le bouge, dont l’agencement le prédisposait naturellement à la semi-obscurité. De celle que proposaient les établissements invitant à l’intimité, sauf que l’intimité était la dernière chose qui venait à l’esprit entre les murs crasseux et les tables poisseuses.

    « T’es sûr ? L’a quand même l’air balaise. » fit Grégor, plus prudent que son partenaire. La perte d’une oreille avait tendance à favoriser la caution même chez les pires des coupe-gorges. A côté de lui, celui qu’on ne connaissait que sous le surnom de Fouine (l’odeur y étant pour beaucoup plus que la ruse) écarta les doutes de son ami d’un air négligeant.

    « Et alors ? C’est pas parce qu’il a des muscles qu’il sait s’en servir. Et il lit un putain de bouquin ! T’en connais beaucoup des costauds qui lisent des putains de bouquins ? Un coup facile j’te dis ! Et on pourra même revendre les foutus bouquins ! »

    L’unique serveuse du bouge passa entre les rares tables, déposant une choppe sur celle du lecteur assidu. La femme lui avait aussi apporté une nouvelle bougie, plus grosse que les autres, qui jeta une nouvelle lueur sur les traits du type. Et Grégor se dit qu’il n’était pas aussi sûr de lui que pouvait l’être Fouine. Dans la pénombre, le type n’avait pas eu l’air si grand, mais maintenant on pouvait voir que c’était parce qu’il se voutait pour lire à la bougie. Redressé sur sa chaise, il n’aurait pas eu besoin de se mettre debout pour être plus grand que n’importe lequel des deux brigands. Il devait allégrement dépasser le mètre huitante et, Grégor avait beau chercher, il ne voyait pas plus de graisse que de muscles. L’homme était bien bâti, aux épaules larges et aux bras épaissis par des années de labeur physique. Il était clairement du genre à s’entretenir. Peut-être même flanquant des coups de ses mains comme des battoires sur le crâne des coupe-jarrets. Oui, Grégor pouvait tout à fait imaginer une telle scène. Il déglutit bruyamment. Sous la chemise blanche à demi ouverte du grand type, le voleur crut discerner ce qui ressemblait à de nombreuses balafres et autres cicatrices. Un homme qui avait connu son lot de combats, donc. Et qui était encore vivant pour le montrer.

    « Une proie facile, j’te dis ! » renchérit Fouine, dont sa propre odeur devait lui piquer les yeux pour l’aveugler à ce point. «R’garde moi cette tête d’ahuri ! »

    Ahuri n’était pas le mot que Grégor aurait employé. Les lorgnons cerclés d’argent mis à part, le visage de l’homme était à l’image de sa stature. La mâchoire était carrée, les traits rugueux mais acérés, la barbe était des trois jours réglementaires et les yeux étaient d’un bleu acier intense. Des cheveux blond roux qui grisonnaient déjà encadraient le visage, et il portait un bandeau noir autour du front. Du visage concentré sur la lecture, les yeux de Grégor passèrent sur le foulard autour du cou, à la chemise blanche, aux pantalons noirs, à la paire de bottes solides pour remonter sur la rapière dans son fourreau et le pistolet à la ceinture. Ils faisaient tellement partie de l’image qu’on pouvait se faire de l’homme que le voleur ne les avait pas repérés tout de suite. Il déglutit de nouveau en observant, comme hypnotisé, l’homme lécher ses doigts avant de tourner délicatement sa page. Il se dégageait du type une force tranquille et contenue, mais qui ne demandait qu’à être employée si besoin était.

    « Allez, on y va ! » lança Fouine, impatient, en tirant sur le bras de Grégor qui réalisait qu’il se trouvait en fait très bien là où il était, merci pour lui. Et il n’eut pas avancer bien loin de toute façon qu’il sentit une main puissante se refermer sur son épaule. Une autre avait fait de même avec Fouine, et la poigne inconnue fit pivoter les deux tire-laine, qui se retrouvèrent face à un homme rougeau, de taille moyenne et à la bedaine proéminente. Une barbe aussi rousse que ses cheveux bouclés lui mangeait les joues, et il avait plus de poignards à sa ceinture que de morpions sur un prostitué de bas étage.

    « Si j’étais vous les gars, j’f’rais pas ça. Vous m’avez pas l’air bien dégourdis, alors j’pense que c’est par ignorance que vous alliez commettre l’erreur de vot’vie. Et croyez moi, c’t’erreur là, vous avez pas envie d’la faire. »

    « Hu ? » lâcha Grégor, perplexe, tandis que Fouine s’agitait dans la poigne de fer de l’inconnu :

    « Lâche moi gros sac ! »

    «Nom d’un bordel français, vous êtes vraiment plus bêtes que vous en avez l’air ! » La figure du gros roux s’éclaira. « Le type que vous voulez brigander, c’est Goaty Charlie. »

    Grégor fronça les sourcils, certain que le sobriquet lui disait quelque chose. Puis il écarquilla soudain les yeux tandis qu’à ses côtés, Fouine avait songé de s’agiter et disait d’une petite voix :
    « Goaty Charlie, comme le Goaty Charlie ? Le second du Prince des Tempêtes ? Le type de l’histoire des chèvres, là ? »

    « Personne tenant à sa mâchoire mentionnerait l’histoire des chèvres en sa présence, mais oui, c’est bien ce Charlie là. Moi c’est McSweeney, au fait. Charlie et moi, ça remonte aux calendes grecques ! Sauf que c’était en Afrique, mais bon. Quand on était dans la navy. »

    Les deux brigands tournèrent la tête, fixant Charlie Withmore qui continuait tranquillement de lire, et revinrent se poser sur McSweeny.

    « Et oui, le Charlie qu’à étendu raide le géant du Niger d’un coup de poing entre les deux yeux. Voyez, le Charlie, c’est un type sympa, au fond. Un cœur d’or sous des airs bourrus. Mais l’air bourru, c’est vachement pratique pour qu’on lui foute la paix. Et il aime ça, qu’on lui foute la paix. C’est un air qu’il se donne, le côté gros bras, pour éviter qu’on ne lui casse les couilles pour un rien. Il n’a pas eu le choix, remarque. Il a toujours eu la vie dure, et il s’est donné les moyens de l’affronter. Fallait le voir en Afrique, la colère qu’il a piqué contre les négriers ! Et on ne veut pas voir le Charlie en colère, ça non ! »

    Les deux voleurs écoutaient sans mots dire, incapable d’interrompre McSweeny.

    « Et si y a bien un truc qui le met en rogne, c’est les putains d’esclavagistes et toutes ces conneries. Il peut pas supporter qu’on s’attaque à la dignité d’un homme, même quand c’est des sauvages. La liberté c’est sacré pour lui, pourquoi vous croyez qu’il avait pas la vie facile dans la royale ? Déjà qu’on était obligé de servir ces putains d’anglais, la rigueur militaire ç’a jamais été pour lui. Mais il a toujours su s’occuper d’ses gars, et c’est ce qui fait de lui un sacré second. L’éternel lieutenant, quoi. Ca lui cassait les couilles de grader, d’être en haut de la chaine. Il aime mieux être le bras droit. Plus proche des gars comme ça. Et il aime être proche de ses gars. C’est un type direct, et on peut lui causer. Tant qu’on parle pas des chèvres, ‘videmment. Du coup, il se sent bien plus à l’aise sur le Tempête. En un peu plus d’un an, il a réussi à gagner la confiance de l’équipage et surtout du capitaine. Il seconde à merveille, c’est son truc, le secondage. Il a connu une période difficile, après l'Afrique. Bon dieu, c'était dur pour nous tous, les gars de l'escouade. Parfois, on sait qu'il y pense encore, quand il a ce regard hanté... C'est là qu'on sait qu'il ne se pardonnera jamais... Mais où j'en étais moi? Ah oui! L’intermédiaire. Et il a jamais eu de problèmes avec le fait que son capitaine soit une femme. Il a jamais fait de différences entre filles et gars, arme à la main ou pas. Ca remonte à son enfance ; dans son clan, les femmes menaient la barque. Il a depuis tendance à les considérer plus solide que les hommes, quelque part. »

    A sa table, Withmore tourna tranquillement une nouvelle page de son livre. Captivés, les voleurs n’arrivaient toujours pas à parler.

    « Avec le temps, il s’est fait une solide réputation de second. Il a la patience qu’y faut. Et il sait imposer le respect, même sans trop user des gros bras. Remarque, il hésitera pas si on l’emmerde. C’est pas à un homme à chercher la bagarre, mais il hésite jamais quand il faut s’battre. Il fait c’qui faut faire. Cela dit, il a son honneur : il essaie de pas s’en prendre à plus faible que lui, ou aux gamins. Il adore les gosses, de toute façon. Et il frappe pas les femmes. Selon lui, y a pas plus redoutable pour viser entre les jambes, alors il évite. Question de survie. De toute façon, tant qu’tu fais bien ton boulot et qu’tu cherches pas les ennuis, y a pas plus réglo. La force tranquille même. Mais t’as pas intérêt à insulter ses amis, son clan ou son équipage. Ou à le traiter d’anglais. Ou à parler de chèvres… »

    McSweeny s’interrompit le temps de cracher par terre.

    « Putains de chèvres. De petites saloperies vicieuses, si vous voulez mon avis. Bon où j’en étais ? Ah oui ! L’Charlie est patient et tranquille, mais faut pas le chercher pour rien quoi. Et quand il sort de ses gonds, c’est très dur de remettre la putain de porte en place. Il va jusqu’au bout, quand il a décidé un truc, et il est du genre borné, voyez. Mais un bon bougre, y a pas mieux qu’lui ! Il m’a sauvé la peau plus d’une fois. Et j’ai fait pareil pour lui. La loyauté est importante pour lui. Il méprise la traitrise presque autant que les négriers, c’est dire ! Et en plus de tout c’que j’vous raconte, c’est une tête ! Enfin, c’pas un savant, et il aime les choses simples : la bonne bouffe, les femmes, l’air du large sur son visage. Mais par-dessus tout, il aime les bouquins. Les livres, c’est son dada ! Il en a plein sa grosse malle, à bord du Tempêtes, et il passe beaucoup de son temps à en trouver de nouveaux. S’il pouvait être payé qu’en papelards, il serait aux anges. Y a pas plus grand trésor, pour lui. Dès qu’il a du temps libre, hop, le nez dans un bouquin ! On dirait pas à le voir, mais c’est comme ça. Il lit du français, de l’anglais, de l’espagnol… Il sait bien se faire comprendre quand il parle pas l’anglais, aussi. Et quand il parle anglais, ce sont les autres qui captent pas toujours, rapport à l’accent écossait à couper au couteau. Et il en très fier. Ca m’rappelle le jour où il a déchaussé six dents d’un coup de poing au type qui s’était foutu de son accent. Ses racines, c’est sacré. Ses bouquins, c’est sacré. Son équipage, c’est sacré. Si tu comprends ça, vous s’rez les meilleurs amis du monde… Sinon, vous pouvez toujours essayer d’aller jusqu’au bout d’vot’délire et lui prendre sa bourse. Dans c’cas, j’aurai été ravi d’vous connaître, les gars. »

    Les deux crapules se regardèrent, et même Fouine avait le visage fermé de celui qui comprenait son erreur. Un exploit, dans le petit monde de Fouine. Grégor secoua la tête à l’adresse de McSweeny, qui se fendit d’un sourire plus large encore ; si large qu’il menaçait de lui couper la tête en deux.

    « Non, je crois qu’on va euh… pas aller jusqu’au bout. On a à faire ailleurs. Hein Fouine ? »

    « Hein ? Ah, très juste, très juste. »
    « Ah ben voilà, z’êtes presque pas aussi idiots qu’on pourrait le croire en voyant vos salles têtes ! » se réjouit McSweeny en les raccompagnant vers la porte.


    « Mais quand même… » dit soudain Fouine, qui n’avait pas assez de son cerveau pour y tourner plus d’une pensée obtue. « J’aim’rais bien savoir, pourquoi Goaty Charlie ? C’est quoi le truc avec les chèvres ? »

    « Ah ça mon gars, demain t’auras regretté d’avoir ouvert la bouche encore une fois. »

    Grégor se figea en voyant l’expression de McSweeny, tandis que Fouine continuait d’agir comme… ben, Fouine. Grégor déglutit une fois de plus.

    « Il est derrière nous, c’est ça ? »

    « Ouaip. »

    Les deux voleurs firent volte-face pour se retrouver nez à torse avec le géant écossais qui remontait les manches de sa chemise. Il déchaussa ses lorgnons, les tendant à McSweeny :

    « Hank mon ami, tu veux bien me tenir cela s’il te plaît ? »

    « Bien sûr mon pote ! »

    « Merci. »

    Puis Charlie Withmore se frotta les poings et plongea une main dans son sac de toile, d’où il sortait un volume aussi épais que la table où il était assis auparavant. Il tapotait le livre relié de cuir dans la paume d’une de ses larges mains. Grégor suivait le mouvement des yeux, incapable d’en détacher le renard.

    « J’ai justement cet exemplaire d’un très bon thésaurus sur moi. Voyons ce qu’un peu de culture pourra faire entrer dans vos crânes, les gars. »

    « Nan mais vraiment, c’quoi cette histoire avec les chèvres ? » répéta Fouine avec l’inconscience de la bêtise.

    Grégor ferma les yeux. Il fit bien.



    ___________________________________________________

    Les longs couloirs froids et austères du château ancestral avait toujours paru infinis à Charlie Withmore lorsqu’enfant, il les parcourait dans ses jeux, tour à tour impressionné et intimidé par les tapisseries et les statues. Oui, le château et sa veille pierre lui apparaissaient alors comme un gigantesque univers aux limites inconnues. Aujourd’hui, alors qu’il allait sur ses vingt ans et revenait pour la première fois pays depuis quatre années, il lui paraissait juste… vaste. Vaste et poussiéreux, ses souvenirs d’enfance déformés par la triste vérité que découvrait les yeux de l’adulte qu’il était devenu. Les moutons de poussières n’avaient à en remontrer qu’aux toiles d’araignées, les rares jeux d’armures que le clan n’avait pas vendu ou fondu étaient tous incomplet, et Charlie avait la désagréable impression que les heaumes le suivait de leur regard vide tandis qu’il arpentait les couloirs, comme pour lui reprocher ce qu’ils étaient devenus. Il n’y avait presque plus de tapisseries ; les murs désormais nus sur de longs mètres accentuaient la froideur qui se dégageait de la pierre. Toutes les pièces n’étaient plus chauffées, et on économisait la moindre lanterne. Quand Withmore pénétra dans le grand salon, un timide feu ronflait doucement dans l’âtre immense, bien loin de l’ouragan de flammes qui dansait pour lui lorsqu’il était gosse, soulignant les histoires sur le clan que racontait son grand-père. Ce qui était sans doute la dernière grande tapisserie presque intacte était toujours suspendue au mur au-dessus de la cheminée, les couleurs du tartan vert et or du clan ayant depuis bien longtemps perdu tout leur lustre. Le confortable fauteuil du grand-père de Charlie avait disparu en même temps que le riche tapis. Le grand-père aussi, et avec lui tous les souvenirs et toute l’histoire de ce qu’avait été le grand clan des Withmore. En y réfléchissant bien et avec le cynisme propre à ses jeunes années, Charlie se dit qu’au fond, le château n’avait pas tant changé que cela. L’enfant qu’il était l’avait vu comme il le voulait : plein de récits d’aventures et de gloires, de majestés et de trésors. Le Charlie d’aujourd’hui contemplait la morne, la triste réalité : juste un tas de pierres glacées et branlantes qui se décrépissait au même titre que la lignée qui en était propriétaire. La noblesse des Withmore était brisée et sautillait pathétiquement dans la flaque des souvenir de la grandeur d’antan, comme une carpe fatiguée au bord d’un loch asséché.

    La petite table en bois branlant et les trois chaises comme seul mobilier de la pièce immense qui avaient en d’autres temps contenus maints banquets étaient un dur rappel à la réalité. Mais, se dit tristement Withmore, l’homme qui aurait eu le plus besoin de le voir continuait de se voiler la face. Avec un gentil sourire à l’adresse de Wendy, la vieille gouvernante qui avait toujours tenu la maisonnée d’une main de fer après la mort de la mère de Charlie, avait toujours rappelé à ce dernier sa grand-mère maternelle, elle aussi décédée. Dans le clan Withmore, les femmes avaient toujours été des forces de la nature, menant à la baguette leurs hommes qui, bien que passant des heures innombrables à s’entretuer sur les champs de bataille ou à jeter des troncs d’arbres lors des jeux traditionnels, baissaient les yeux comme un petit garçon surpris après une grosse bêtise à chaque fois qu’une dame Withmore levait la voix.

    « Père. » dit doucement Charlie à l’adresse de l’homme assis sur la plus grande des trois chaise. Raide comme la justice, les deux mains veinées de bleu aux longs doigts secs agrippées comme des serres sur le pommeau de sa cane –l’un des rares biens familiaux qui n’avaient pas été vendus pour assurer l’entretien du domaine- Albert Withmore était bien différent de son fils ainé. Mince comme un clou, le teint pâle et les rares cheveux d’un ton roux cuivré par l’âge, on aurait eu de la peine à les dire de la même famille si ce n’étaient qu’ils étaient tous deux dotés du même regard bleu acier. Le regard qui avait tant de fois terrorisé Charlie dans sa jeunesse. Un regard dont l’acier rouillait maintenant, voilé par l’âge et un caractère têtu qui épuisait ses dernières forces à un héritage du passé.

    « Ainsi tu reviens, fils. Tu auras mis le temps. »

    « Les enfants vont bien ? »

    « Ils ont fait de leur mieux sans leur frère. » Le ton était sec, dur et –Charlie en fut attristé- volontairement tranchant.

    « J’ai fait ce qu’il fallait pour eux, père. Pour nous. C’est pour nous que je suis monté à Londres. »

    « Pfoua ! Londres ! » L’ancien cracha sur la pierre. « Alors que peux-tu bien faire ici, dans le domaine de tes ancêtres, si tu as été à Londres la grande, Londres la belle, Londres qui nous oubliera toujours ? »

    « Je suis venu vous dire que je m’étais engagé, père. Dans la marine royale d’Angleterre. Je pars dans trois semaines, alors je m’étais dit que… »

    « Quoi ? Quoi ? Tu oses revenir ici pour m’annoncer que tu as prêté serment à la couronne d’Angleterre ? Si ta mère était encore de ce monde… »
    « Père, je vous en prie ! Je ne fais pas ça par gaieté de cœur ! Je le fais pour toi, pour les enfants, pour Wendy ! Vous aurez besoin de la solde ! Je ne suis pas bon à autre chose qu’à m’engager ! »

    « Billevesées ! Si tu n’avais ne serait-ce encore qu’une once de fierté et de respect pour le nom des Withmore, tu ne salirais pas la réputation de notre glorieux domaine avec la solde de ces enfants de putain ! »

    « Bon dieu, papa ! C’est parce que tu t’accroches à ce domaine comme une tique bornée et aveugle à une carcasse exsangue que nous en sommes arrivés là ! Que les petits doivent déjà travailler comme des forcenés ! Pour ce putain de château dont chaque jour une nouvelle pierre tombe ! »

    « Traitre ! Parjure ! Fils indigne ! Comment oses-tu ? COMMENT OSES-TU ? Me parler sur ce ton, à moi ? Après tout ce que j’ai fait pour toi, pour nous, pour les Withmore ! »

    Albert s’était levé d’un coup sec, et la rage faisait battre ses tempes pâles tandis qu’un peu de bave écumait au coin de ses lèvres sèches. Wendy se précipita à ses côtés et le fit se rasseoir de force, un regard de la terrible gouvernante suffisant à faire plier le vieil homme. Il toussa, cracha du sang dans un mouchoir, et la femme jeta un plaid sur ses genoux.

    « Depuis combien de temps est-il… »

    « Malade ? Il refuse de se croire malade, Chip. »

    « Ne parlez pas de moi comme si je n’étais pas là ! Je vous l’interdis ! Tout comme je t’interdis de t’engager au nom de la putain sur son trône anglais ! Qu’est-ce que le royaume a fait pour nous, les vieux clans, hein ? Je t’interdis tu m’entends ? Ou tu n’es plus mon fils.

    Le cœur de Charlie se serra dans sa poitrine, et il avait les larmes aux yeux lorsqu’il se pencha pour embrasser le front glacé de son père.

    « Alors c’est un adieu, père. J’aurais tant aimé… J’aurais tant aimé que cela se passe autrement. »

    Mais en revenant au domaine après tant d’années, Charlie savait que c’était la seule issue possible. Il connaissait trop bien son père.

    « Je ferai envoyer la plus grande partie de ma solde ici. Wendy, je… »

    Sa gorge se serra tandis qu’il contemplait la femme à la poigne de fer qui l’avait au moins autant élevé que sa propre mère. La rude gouvernante le surprit en le serrant soudainement et maladroitement dans ses bras.

    « Allez jeune maître. Je veillerai sur lui. »

    « Merci pour tout, Wendy. Merci. Dites aux enfants… dites aux enfants… »

    « Je sais. »

    Withmore sourit timidement et hocha la tête d’un geste gauche, contemplant pour la dernière fois la grande salle où son grand-père lui racontait les histoires de ses ancêtres et des monstres qui dormaient au fond des lac…

    Puis il fit volte-face de son passé, posant un premier pas dans le couloir vide. Il ne se retourna pas.



    * * *


    « Mister Chip ! Mister Chip ! »

    A l’appel de son nom, Withmore se renversa contre le dossier inconfortable de la vieille chaise en osier et ses pieds nus quittèrent la petite table en bois où ils reposaient. Laissant retomber les dés qu’il tenait dans la main, il sourit au jeune garçon qui courait dans le sable, sortant de l’orée de la jungle. A la lueur de la lune, des étoiles et des lanternes de la capitaineries de fortune à l’autre bout de la plage, la mince bande de sable entre la jungle et l’océan avait quelque chose de magique. Withmore savait qu’il ne s’en lasserait jamais, même après cinq ans passés dans cet avant-poste anglais en Afrique qui n’avait de comptoir que le nom. Outre la capitainerie de planches et de clous, il y avait quelques cabanes et même des huttes à la façon des indigènes. Ici et là, un drapeau anglais flottait paresseusement, accompagnant le souffle du soir. Ah elle était grandiose, l’armée anglaise, quand elle se contentait de débarqué trois pékins et demi de soldats et fonctionnaires sur une plage. Ils n’essayaient même pas de prétendre que l’endroit était important. Le capitaine Wits –qui ne quittait jamais le Sweet Judy, le bâtiment de la royale qui mouillait au large- disait que l’important, c’était seulement de faire acte de présence. Et au final, les hommes de la Judy vivaient en poste quasi permanents dans cette parodie de comptoir, dans ce qui avait tout l’air d’être le cloaque du monde. Et qui était devenu, pour Withmore et la plupart de sa petite escouade de fusiliers, un véritable paradis.

    « Heeey, Oko, qu’est-ce que je peux faire pour toi bonhomme ? »

    « Tu me montres comment on joue ? »

    « Encore ? Tu dois être devenu un expert pourtant ! » Mais devant le sourire éclatant qui illuminait le visage noir de l’enfant, Withmore abandonna toute résistance. « Allez crapule, monte ! »

    Oko se hissa sur les genoux de Withmore en riant. Il vivait dans l’un des nombreux villages indigènes au-delà de la jungle. Pacifiques, curieux, les natifs du coin avaient vite pris l’habitude d’observer les anglais dans leurs uniformes colorés, et des contacts amicaux n’avaient pas tardé à voir le jour. Le prêtre arrivé avec la Sweet Judy –Adamson- était plutôt bon bougre pour un homme d’église et, qui plus est, un anglais. Il apprenait l’anglais aux villageois qui en avaient la patience. Au fil des ans, ils avaient fait de sacrés progrès, et à chaque fois qu’il voyait un gosse heureux et intelligent comme Oko l’était, Withmore se demandait encore comment on pouvait donner à ce peuple le nom de sauvages.

    « N’écoute pas tout ce qu’il va te raconter, Oko. » C’était le sergent McSweeny, ses bonnes joues encore plus rouges après le whisky frelaté du soir. « Il triche. »

    « Dixit celui qui cache des cartes entre les replis de son estomac, hein sarge ? » contre-attaque Withmore sous les rires des autres membres de sa petite troupe, vite rejoints par McSweeny. A vingt-cinq ans, soit cinq ans après avoir quitté l’Ecosse, Withmore avait accédé au grade de lieutenant, et il avait tout fait pour ne jamais aller plus haut. Il avait réussi à se faire envoyer dans ce coin perdu où il passait presque tout son temps depuis au moins cinq ans. Il en avait lui-même trente, et commandait en tan que lieutenant le petit détachement de fusilier du Judy. Le capitaine Wits et son second, Snog, lui déléguaient la plupart des taches à terre, refusant de quitter le confort de leur navire. Ce qui convenait parfaitement à Withmore. Ses gars et lui ne croulaient pas sous le travail, et ils pouvaient se la couler douce. Charlie envoyait toujours presque toute sa solde en Ecosse, même s’il n’avait plus jamais eu de nouvelles de son père depuis son départ, cette nuit fatidique. Le peu qu’il gardait pour lui suffisait à son nécessaire, et presque tout passait dans les livres, les fois où il avait eu l’occasion d’en dégoter. Ses hommes étaient loyaux –tous écossais, à son grand plaisir- et plutôt droits même après deux ou trois verres, le coin était paumé mais magnifique, et les locaux était sympathiques. Même l’aigreur de Wits et des fonctionnaires de la capitainerie –tous ulcérés à l’idée d’être postés dans les fonds de tiroir du royaume- ne suffisaient pas à entamer la bonne humeur de Withmore. Ici, dans son petit coin de paradis, il échappait à la rigueur de la vie militaire, une rigueur qui ne lui avait jamais convenue.

    « Tu veux lancer pour moi ? » dit-il soudain à Oko. « Je sais que tu es un petit veinard. »

    « Ce gamin à la main du diable, pour sûr ! » lança en riant McClusky, un autre membre de l’escouade.

    « Lieutenant, lieutenant ! »

    Une silhouette essoufflée courait vers la tablée, venant visiblement de la capitainerie. Withmore reconnut le plus jeune de ses fusiliers, Fergusson ; un gamin d’à peine dix-huit ans aux visage constellé de tâches de rousseur.

    « Calme toi mon garçon ! On dirait que tu as le démon aux trousses ! »

    « Presque, mon lieutenant ! La barque du capitaine vient d’accoster à la capitainerie ! Il veut vous voir immédiatement ! »

    Déposant doucement un Oko toujours souriant dans le sable, Withmore se leva, aussitôt imité par le reste de ses hommes. Ils échangeaient des regards inquiets. Charlie fronça les sourcils et se caressa le menton, pensif :

    « Diable ! Si ce coincé de Wits daigne mettre pied à terre, c’est que l’affaire doit être importante. Prend ma place, Bill. Repose toi un peu. Je vais aller voir ce qu’il me veut, celui-la… »

    « Des problèmes mister chip ? »

    Il baissa les yeux et vit qu’Oko le suivait. Le gosse s’était très vite attaché au grand écossais et passait le plus de temps possible dans ses basques, à observer tout ce qu’il faisait ou à écoutant sans comprendre grand-chose mais avec un plaisir immense tout enfantin les histoires que Withmore lui lisaient de ses livres. Le soldat s’agenouilla, et dû encore se baisser pour regarder Oko dans les yeux :

    « Je ne crois pas Oko. Ne t’inquiète pas. Je ne laisserais aucun problème vous causer du tort, à toi et aux tiens. Mais retourne vers mes gars, tu veux bien ? Leur montrer comment un vrai homme lance les dés ? Je dois aller parler de choses sérieuses, et ce n’est jamais intéressant. On se ravoir après, d’accord ? »

    « D’accord Mister Chip ! Après ! »répéta joyeusement l’enfant avant de courir rejoindre les autres. Withmore se releva, le regarda partir en souriant puis reprit le chemin de la capitainerie, longeant la plage. Et quand il aperçut à quai le canot personnel du capitaine du Sweet Judy, il ne souriait plus. Au fond de lui, son instinct lui disait qu’il n’allait pas du tout aimer ce qu’il allait entendre…


    * * *


    Charles Withmore n’était pas homme à rêver. Il faisait plutôt des cauchemars. Un seul, en réalité, mais qui hantait presque chacune de ses nuits depuis trois longues années. Il revoyait la plage en Afrique, sa plage, celle qu’il avait tant appris à aimer. Ses hommes aussi, ses braves compagnons : McClusky, McSweeny, Bill Fergusson et même ce bon vieux puritain de père Adamson. Il se souvenait des rires partagés avec les locaux, ces gens si simples qui avaient si peu et beaucoup à donner à la fois. D’un petit garçon qui s’appelait Oko qui disait toujours que la chance des ses ancêtres était avec lui et qui plumait McSweeny à chaque fois. Puis il y avait la fameuse nuit, où le capitaine Wits était venu en personne annoncé à Withmore qu’il était temps de rassembler ses hommes. La Sweet Judy allait lever l’ancre, enfin. Ils étaient rappelés au pays pour le bon plaisir de la couronne d’Angleterre. Les négriers étaient en chemin. Une véritable petite flottille d’esclavagistes organisés qui pillaient les côtes. L’avant-poste était trop petit, trop insignifiant pour que l’Angleterre y conserve une présence ou gaspille ses forces à repousser les trafiquants d’âmes. Il revoyait ce salaud de Wits, rayonnant à l’idée de rentrer au pays, rêvant de gloire, prétextant que chaque navire était vital dans les eaux anglaises, des fois que ces cochons de français préparaient un mauvais coup – on ne savait jamais, avec les français !

    Mais surtout, Withmore revoyait l’indifférence totale de Wits au sort certain qui attendait les indigènes du coin s’ils les laissaient sans protection. Il se rappelait du rire de ce tordu de second Snog quand Wits avait balayé d’une main les protestations de Withmore. C’était peut-être de bons sauvages, lieutenants, mais même de bons sauvages restent des sauvages, allons ! Ils ne servent pas la couronne, et nous n’avons aucun devoir envers eux ! Cessez d’être ridicule ! Withmore avait tempêté, crié, gesticulé jusqu’à ce que Wits, de guerre lasse, cède et accepte de lui laisser quelques heures pour organiser l’embarquement de ses « chers amis sauvages ». Withmore se rappelait avoir agi plus vite qu’il ne l’avait jamais fait, faisant le tour des villages avec ses hommes, palabrant longuement pour convaincre le plus possibles de ces hommes simples et bons du mal qui allait s’abattre sur eux. Trop longuement. A leur retour sur la plage, Withmore et ses hommes avaient vu la Judy s’éloigner, au large. Sans eux. Les abandonnant tous à leur sort. Wits avait menti. Cette ordure avait menti, et il allait sans aucun doute s’en tirer, les pontes de l’amirauté gobant n’importe quelle histoire sortant de sa bouche immonde ! Puis Charlie se rappela le désespoir de son escouade, et le sien plus encore. La colère du père Adamson, qui avait refusé de suivre Wits. Et la tranquillité bienveillantes des locaux, inconscients du danger. Alors ils avaient décidé de rester, tous. Aucun des hommes de Withmore n’avait voulu se défiler. Il se rappela l’organisation frénétique et, trop vite, bien trop vite, la nuit fatidique ou apparurent les mats des bateaux des négriers. Ils attaquèrent de nuit, incendiant les villages, tuant indifféremment tous ceux qui essayaient de leur résister. Vieillards, femmes ou enfants. Et les indigènes ne comprenaient pas toute cette violence, ni les chaines qu’ils sentaient soudain sur leur cou. Withmore se rappelait l’odeur du sang et de la poudre tandis que son bataille –dix hommes à peine !- luttaient férocement contre les esclavagistes. Mais ces chiens étaient nombreux, et ces chiens avaient des chiens qui se jetaient à la gorge des hommes, et des esclaves qui combattaient pour eux, vidés de toute substance, animés par la peur de leur geôliers.

    Charlie Withmore se souvint de son uniforme déchiré, de son corps couvert aussi bien du sang de ses ennemis que du sien. Du jeune Bill Fergusson qui mourut d’un coup, une balle entre les deux yeux. Le petit Fergusson, si plein de vie quand ils jouaient ensemble aux dés, sur la plage, sous la lueur de la lune. Il vit Harold Davids essayer de retenir ses intestins après s’être fait trancher le ventre par le sabre d’un esclavagiste. Et il vit partout, les corps innocents des indigènes. La peur et l’incompréhension dans les yeux de ceux qui étaient emmenés de force et qui hurlaient à l’aide. Qui hurlaient son nom. Il se souvint du voile rouge devant ses yeux quand il vit deux brutes s’emparer d’Oko, qui les mordait et les griffait de toutes ses forces d’enfants, Oko qui appelait « Mister Chip, Mister Chip ! ». Charlie se rappela de la morsure des lames et des blessures qu’il ignorait, des négriers qu’il en était venu à massacrer à mains nues, broyant leurs nuques sous sa poigne de fer. Il se rappela de la douleur, de la fureur et de Mc Sweeny et des autres survivants de l’escouade qui le tiraient arrière, dans le couvert de la jungle, le sauvant des balles ennemies, quand ils surent qu’ils n’y avait plus rien à faire. Il se rappela du corps du père Adamson qui brûlait sur la plage. Et d’Oko, le petit Oko au sourire si grand, qui hurlait sans cesse son nom. Oko qui était emmené sur le bateau des négriers. Charlie se souvint de la violence avec laquelle il avait frappé ses propres hommes, ceux-là même qui lui avaient sauvé la vie, et du moment où il avait basculé dans le néant. De la fuite dans la jungle, jusqu’à un comptoir espagnol bien plus au nord, où ils avaient laissé derrière eux leurs vêtements maculés de sang de la royale. Il n’en étaient plus. Au fond, ils n’en avaient jamais vraiment été.

    Il se souvint des mois qui avaient suivi, où il avait récupéré de ses blessures. Où il n’avait pas prononcé un seul mot si ce n’était le nom d’Oko. Oko, je te retrouverai gamin. Je te sauverai Oko. Un jour je te sauverai. Je te le promets Oko. Mais jamais il n’avait retrouvé le garçon. Et lui et ses hommes qui n’étaient plus ses hommes mais tout ce qui lui restaient au monde, avaient bien dû survivre. Tortuga leur avait paru le choix logique à l’époque. Et à vrai dire cela avait leur seul choix possible. Le repaire des exclus, des tueurs, des déserteurs… Les petits boulots mal payés et rarement nets, ses amis qui trouvaient leur place, les uns après les autres. Survivre. Puis le poste à bord du Prince des Tempêtes il y a plus de dix-huit mois. Et le temps qu’il avait mis à obtenir la confiance du capitaine Lewis. Une femme si forte et si fragile à la fois. Celle qui avait fait de lui son second, pour le meilleur et pour le pire. Le sentiment d’être utile à nouveau. D’être libre. Libre des attaches de son clan et de son château qui tombait en poussière, libre des obligations rigides de la vie militaire et des prétentieux de la royale, libre des connards comme Wits et Snog… Libre de mener, enfin, sa vie comme il l’entendait. Mais, comme dans chacun de ses cauchemars, il entendait à nouveau la voix de l’enfant l’appeler, la voix de l’enfant qui ne serait sans doute plus jamais libre…

    « Oko… » marmonna Charlie Withmore dans son sommeil, en serrant machinalement le collier à la larme d’ivoir qui ne le quittait jamais. Celui-là même qu’un jour, un petit garçon souriant lui avait donné et qui avait paru au robuste, au grand, au dur écossais comme le plus merveilleux des cadeaux. Il se retourna, ses yeux fermés s’agitaient tandis que les images continuaient de défiler sous son crâne. A ses côtés, Madeline le regardait lutter dans son sommeil, contemplant les multiples cicatrices qui couvraient son corps. Et elle se sentait triste, triste pour cette homme qui s’efforçait toujours de faire la chose juste, bataillant sans cesse contre son passé. Alors elle se serrait contre lui et, au fil de la nuit, il cessait de s’agiter et, enfin, trouvait un peu de paix dans un sommeil sans rêve.

    Quelques heures plus tard ce matin là, on se mit à tambouriner violemment à la porte tandis que, derrière celle-ci, une Madame Jeanette au visage rouge criait :

    « Charles Edward Jonathan Withmore ! Debout, espèce de vieux radin d’écossais ! »





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    Ton prénom/pseudo : Philippe pour le premier, et pour le second, sur le net mon pseudo le plus courant est Kit.
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    Comment as-tu découvert le forum ?C’est l’un de vos membres qui m’en a parlé. Zilka, merci à toi de m’avoir fait découvrir le coin ! \o/
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MessageSujet: Re: Charlie "Chip" Withmore   Charlie "Chip" Withmore EmptyMer 10 Nov - 18:37

:D J'ai tout lu et... j'ai adoré le personnage. Tu as parfaitement réussi à séduire l'exigeante capitaine qui te veillait d'un œil méfiant... Tout ça pour dire... Bienvenue à Bord, Mr Chip ! Je vous valide de ce pas !
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MessageSujet: Re: Charlie "Chip" Withmore   Charlie "Chip" Withmore EmptyMer 10 Nov - 18:38

Merci cap'taine! =D
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MessageSujet: Re: Charlie "Chip" Withmore   Charlie "Chip" Withmore Empty

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