Cap à l'Ouest !
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 Jacques Maupin, oiseau des grands rivages.

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Jacques Maupin

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Jacques Maupin

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Localisation : A bord de l'Amphitrite, sans doute perché dans le nid-de-pie!
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MessageSujet: Jacques Maupin, oiseau des grands rivages.    Jacques Maupin, oiseau des grands rivages.  EmptyLun 2 Aoû - 23:14

Vent qui hurle...


Jacques Maupin, oiseau des grands rivages.  Boatbymichalgiedrojccop




C'est sur les dos courbés des marins et sur le pont patiné que s'abat le mur d'eau, dans un bruit de fin du monde, avant de se retirer à demi. L'Amphitrite danse! Et les vêtements mouillés, et beuglant des directives, l'équipage se scie les mains pour ramener les voiles. La corde, bon sang! Tranchez-moi cette maudite corde, ou bien le mât de misaine est perdu! Mais trancher la corde, c'est s'aventurer là-haut, entre les voiles qui claquent, et le vent qui hurle, et regarder la mer noire, en bas, avide de nous dévorer… si noire. Sinistre linceul…

Une brève hésitation. Monter, c'est danser avec la camarde… Et soudain, avant que souffle de crainte ne soit retombé -car un pirate jamais ne reste bien longtemps sous l'emprise de la peur… Avant qu'un cri ne soit poussé pour l'arrêter, le jeune mousse s'est élancé, un bond, il crochète le filet… Et il monte, plus en souplesse qu'en force, il monte, régulièrement, frêle silhouette que le vent bouscule et frappe sans douceur, il monte, bondit sur une traverse, les doigts noués, crispés sur le chanvre rêche, en équilibre dans le ponant furieux, il monte.
Maintenant, maintenant… il faut avancer, sans s'assurer, au dessus du vide et des vagues affamées, s'avancer sous les voiles alourdies par l'eau, avec entre les dents le vieux coutelas usé… Le jeune adolescent semble hésiter, en proie au doute. Et au moment où tout le monde croit qu'il allait renoncer, à l'instant précis où on lui crie de redescendre… un creux de calme, entre les trombes. En trois pas de danseuse, délicats entrechats, le mousse se fond dans l'air en mouvement, incroyable de légèreté et d'équilibre, se glisse à plat ventre sur le bois détrempé, noue ses jambes trop longues et trop fines autour des attaches et puis… se renverse, à l'envers, petite flamme blonde dans le vent. Un instant de balancement, emporté par un souffle plus puissant, et raffermit sa prise! Un coup de lame, deux… et on tente de la scier, cette maudite corde. Goudronnée, humide, tendue à l'extrême, elle résiste, geint… puis craque. Les jambes tremblantes sous l'effort, le jeune garçon se hisse à nouveau, et s'octroie un instant, un frisson d'épuisement, bras serré autour de la traverse…

Mais il faut redescendre, danser à nouveau avec le vent, faire un pied de nez à la tempête. Il se relève, il est oiseau! Manches blanches frémissantes dans le vent comme des ailes mouillées, alors qu'il écarte les bras pour se donner un équilibre. Un pas, deux… et puis un pied qui glisse, et un corps -si petit! si fragile!- qui chavire et bascule. Happé par le vide. C'est, en bas, un cri unanime, et des bras qui se tendent, en vain. C'est un pantin inerte qui s'écrasera en bas…
Une main agrippe, dans un sursaut désespéré, un lien du nid-de-pie, et le mousse se plaque contre le mât, rudement, le souffle court.
Les voiles sont rabattues presque distraitement, on suit du regard la progression hasardeuse, le défi lancé à la fortune de ce jeune imbécile trop téméraire. Qui glisse le long du filet, davantage dans une chute à demi contrôlée, du bout des doigts gourds de froid et de fatigue, s'arrête parfois, frêle enfant malmené par des rafales vindicatives et décidées à l'arracher, à l'entrainer avec elles, vert la mer. Vers la mort.
Mais l'enfant-goéland, dents serrées, affronte la tempête. Il vole! La pluie détrempe ses efforts, rendant le moindre appui traitre, glissant.
Pourtant il descend. Inexorablement, pied après pied, il racle sa progression du bout des ongles, s'écorchant les paumes et les muscles noués…

Soupir de dépit du ponant qui se retire: l'enfant vient de trouver la sécurité du pont. Il chancelle un instant, épuisé mais triomphant, et puis des bras solides l'empoignent, l'entrainent. On lui tape dans le dos, on le pousse à l'abri: la suite n'est plus son affaire.
Et la sirène de l'Amphitrite, enfin stabilisée, fend les flots avec la morgue insolente des vainqueurs.
Vainqueurs pour cette fois. Mais on ne défie pas impunément les océans: il faudra payer un jour. Un jour…

Car pour l'instant, nous sommes libres.


Dernière édition par Jacques Maupin le Mer 4 Aoû - 1:25, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Jacques Maupin, oiseau des grands rivages.    Jacques Maupin, oiseau des grands rivages.  EmptyMar 3 Aoû - 0:47

Sur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom



Aussi naturellement que si le roulis et le tangage de l'Amphitrite n'était qu'un songe, dans la lumière blafarde du matin, le maître barreur traverse le navire pour aller se planter devant la silhouette rêveuse perchée à la proue du navire. Il la détaille alors qu'elle lui tourne le dos, regard planté sur l'horizon aux mille promesses. Menue, bien sûr, trop menue, et petite. Son pantalon trop grand, ajusté tant bien que mal par une aiguille malhabile, révèle une finesse d'acrobate, ou de danseur, bien peu adaptée à la rude vie marine. Une chemise bouffante, bien trop grande, dévoilant un peu trop d'épaule pour tomber comme il faut. Ceinture de cuir, où pend une dague usée, mais de bonne facture. Peau brunie, et courtes boucles de lin que le soleil pâlit, qui jouent sur sa nuque, toujours désordonnée. Etrange plumage d'un oiseau délicat.

- Hey, Jacques. Tu flânes?
- Bah… je rêve. Je vole…

Une voix trop aigue, trop douce, et un rire ensoleillé. Le mousse se retourne, passe une main dans le plumage or-pâle qui l'auréole de jour. Jacques Maupin sourit, un sourire plein de fossettes qui fait scintiller ses grand yeux clairs, gris de nuages et gris de liberté, où flâne encore un vieux rêve engourdi de sommeil. Le vieux barreur le détaille, déplorant l'ovale trop doux de son visage, l'arc délicat de ses sourcils, les cils de miel trop longs, les lèvres un peu trop pleines, un peu trop roses…

- C'est sûr que la nuit dernière tu as failli voler, moineau dépenaillé! C'que c'est que ces jeunes, bourrés de grandes idées, qui veulent jouer aux héros!

Rire-grelot, à nouveau, alors que le jeune marin fait un signe vague de ses mains pansées de frais, qu'un peu de sang entache déjà. Le chanvre est revanchard…

- Bah, ça a marché, non?
- C'est toi qui va trotter, oui, si le quartier-maître te surprend à bader.

Sourcils froncés, l'enfant essaie -vainement!- d'avoir l'air un peu plus rude. De grappiller quelque chose de cette force des traits, cette sévérité rugueuse du vrai matelot. Peine perdue. Seule la farouche détermination, la volonté d'acier qui animent parfois ses prunelles parviennent à le rendre un peu impressionnant.

- J'ai une demi-heure de libre.
- Vraiment? Ca te dirais que je te montre un peu la navigation, pendant ce temps?

Les yeux de perle s'illuminent. Jacques descend de son juchoir d'un bond souple, silencieux, et suit son aîné d'un pas léger, enthousiaste. Une bourrade le propulse à cinq pieds de là, et Jacques se réceptionne tout en souplesse, sans que son hilarité ne daigne s'éteindre. C'est qu'il est frustrant à embêter, ce gosse: souple et agile comme une anguille, félin, il retombe toujours sur ses pieds, se hisse tranquillement sur les perchoirs les plus improbables, danse avec le vent, et fait preuve d'une promptitude d'esquive tout à fait frustrante pour le marin désireux d'ennuyer le jeune mousse, comme le veut la tradition. Un freluquet, mais un freluquet vif!

Et alors que d'un pas tranquille, le jeune homme monte jusqu'à la barre, caresse le bois patiné, admire le sextant, il se demande de drôles de choses, le vieux marin. A quoi ressemblerait leur Jacques, si c'était une fille? C'est qu'il vous aurait quequ'chose d'une demoiselle, voyez, dans la démarche, et le visage… Pas pour deux sous de courbes qu'il aurait, pour sûr, un corps d'adolescente encore en bouton, tout nerveux et bronzé… Et avec ses cheveux courts et en désordre, ses immenses yeux gris et son sourire, il ferait une bien jolie donzelle, le Jacques…
Allons, allons, c'est stupide d'y songer! Il sera jamais une femme, notre Jacques, même s'il survit assez longtemps pour mettre du poil à son menton désespérément imberbe. Pour ça faudrait qu'il mette de côté son âme téméraire et son côté casse-cou, mais enfin!

On en tirera p'tet quelque chose, de ce gamin aux grands iris rêveurs...

Sur chaque bouffées d’aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J’écris ton nom
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Jacques Maupin

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MessageSujet: Re: Jacques Maupin, oiseau des grands rivages.    Jacques Maupin, oiseau des grands rivages.  EmptyMar 3 Aoû - 11:39

Accord vibrants.

Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom




- Et ben Jacques? Tu renonces?

Rires autour d'une table encrassé et humide, quand le rhum circule. L'appelé esquisse un sourire contrit. Il a l'air un peu perdu, si petit au milieu de ces armoires musculeuses et pleines de jovialité bourrue.

- Bah tu sais… je tiens mal l'alcool et je…
- Ah ah! Petit joueur! Allez va, c'est une habitude à prendre!
- Non, vraiment, je ne…

Trop tard. On colle un verre crasseux et plein dans ses mains trop fines, où Jacques trempe les lèvres, poliment. Étrangement, l'alcool est moins mauvais que d'habitude, avec un retour agréable… armagnac français? Jacques reconnait cette saveur violente…

- Tu peux y aller, c'est celui du capitaine!
- Du capi… quoi ?!?
- Garde ce verre, mon gars. T'as vraiment pas une mentalité de forban! L'honnêteté, dans la piraterie, c'est juste un moyen de se retrouver plus vite par le fond. Pas vrai les gars? Dis toi que c'est pour récompenser tes folies d'hier qu'on l'a chipé!
- Alors là Jacques, tu as vraiment été suicidaire! C'était fou, stupide!

Un petit sourire vaguement triomphal s'esquisse sur le visage délicat. Téméraire, oui! Personne ici ne sait réellement à quel point. Et les obstacles traversés, et les combats remportés, et sa nature oubliée… C'est sa fierté, sa maigre fierté. Quand il repense à son parcours, souvent… s'il n'a qu'une seule chose dont il peut se flatter, c'est son courage. Pas son bon sens, c'est sûr… Être sensée, ça voulait dire se marier et avoir des enfants, être sage, douce et prisonnière, ne pas traverser les océans, oublier l'appel irrésistible du vent et la saveur aigre-douce des voyages… Et les idéaux, aussi! Et les rêves! Toutes ces grandes idées qui s'effritent avec le temps, sous le poids du raisonnable… et parce qu'il faut comprendre, comprendre qu'on ne fait pas ce qu'on veut. Moi je ne veux pas comprendre! Moi, je suis un oiseau!

- Et puis, le "monsieur" t'as à la bonne.
- Pas du tout! Vous vous imaginez des…
- Ma parole, gamin, tu rougis comme une femme!

Sursaut d'orgueil dans les prunelles-nuages. Il se redresse brusquement, le mousse, prêt à cracher son fiel… une main lourde et un rire communicatif le rassoie sur le banc dur. Les conversations reprennent, sur ce sujet qui passionne le marin en mer: la femme. Femme de Tortuga qui dévoile sa croupe pour une poignée de piécettes, femme des rivages, qu'il faut conquérir, jeune sauvage des îles et puis la mer, la Femme! Considérations grasses, quelques traits de poésie oiseuse, et puis… rien. Comparaison des exploits et des conquêtes des un des autres…
Le jeune matelot cache sa gêne dans son verre, asphyxie tant bien que mal ses vieilles pudeurs, des corolles écarlates s'épanouissant sur ses joues. Manon dirait que tout cela n'est pas correct, Manon s'insurgerait, Manon défendrait un amour plus littéraire, plus obscur enfin et bien moins tangible, une vision engluée de rêveries d'enfants et étoilée d'illusions douces, dans un idéal absurde. Jacques… Jacques se tait, n'osant trop rire avec les autres ou…

- Hey, le gosse! Tu ne dis rien, mais avec ta figure d'ange, ta belle gueule d'apôtre, et tes airs de ne pas y toucher… Elles doivent se précipiter dans tes draps!

Sourire qui se veut complice, alors que Manon s'étrangle à cette simple perspective. Jacques tente de prendre un air un peu hâbleur, affichant tant bien que mal les éclats des vanités ternies qui ne sont pas les siennes.

- Oui… oui, bien sûr!

Non, non, bien sûr! Terrifiante perspective. Le jeune homme à la pudeur presque maladive (et pour cause! Corps cachant secrets qui ne sauraient être impunément révélés…), dont se gausse souvent l'équipage, qui se change à l'écart et qui voile, tant bien que mal, une féminité en fleur… Serait ma foi bien ennuyé si il devait un jour traverser la chambre d'une femme.
Son trouble n'est pas perçu, et chacun y va de son petit conseil. Et puis, doucement, sur les langueurs du soir et les bercements houleux de l'Amphitrite, les mots coulent, s'éteignent. La conversation change de cap, on parle du vent qui risque de tourner, le l'objectif à atteindre, des risques et du large, du soleil qui reviendra et de la tempête vaincue, on échange un peu ses espoirs et ses vanités de marins, de pirates! Et Jacques s'anime à nouveau. Passionné, un peu trop, on le gourmande. Trop d'enthousiasme! Il finira sur un sabre, ou bien mangé par les poissons. Mais qu'importe! A grand renforts de gestes joyeux, graciles, les yeux brillants, frémissant d'un enthousiasme mal contenu, Jacques et Manon, ensembles, endossent leur liberté.

Et tant pis si la douce jeune fille doit finir de se briser sur des rivages trop dur, usant sur le ressac son innocence candide et sa douceur, désagréger son sourire-grain de soleil à travers les trombes, perdre la lueur rêveuse de ses grand yeux graves. Pour l'heure, elle se drape encore de la force de l'enfance…


Sur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes raisons réunies
J’écris ton nom
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Jacques Maupin

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MessageSujet: Re: Jacques Maupin, oiseau des grands rivages.    Jacques Maupin, oiseau des grands rivages.  EmptyMar 3 Aoû - 21:00

Jacques Maupin, oiseau des grands rivages.  Seagullbywyrmastercopie

Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attendries
Bien au-dessus du silence
J’écris ton nom

D'aussi loin que je me souvienne, je n'ai jamais vu que le dos de mon père. De dos, devant son bureau en noyer massif. De dos, entre ma nourrice et moi, lui signifiant son congé. De dos, au port, entre moi et les voiles blanches, l'eau bleue. De dos enfin, lisant les raisons de mon départ sans en être le moins du monde affecté. Quel autre choix avais-je, pour pouvoir un jour le regarder en face, que de grimper au plus haut des gréements qui écorchent le ciel et me jucher sur la cime mouvante des vents?
Manon Sellig


Enroulé dans une couverture humide, les cordes de son hamac grinçant sous le roulis, le jeune mousse a les yeux rivés sur le plafond de bois. Autour de lui, des ronflements, et la voix fatiguée, parfois, de celui qui va prendre son quart… Et ainsi, dans cette solitude bondée de monde que ménage la nuit en dortoir, drapée dans l'obscurité, c'est un peu Manon, qui revit, un instant… Le temps d'un songe… Et parfois, parfois, elle est saisie d'une bien étrange pensée, Manon. Car il fut un temps…

Il fut un temps où Jacques Maupin n'existait pas.


Garigues provençales, été 1760.
- Jacques, c'est pas juste! Redescend! Jacques!

C'est qu'elle était furieuse, la petite demoiselle vêtue de lin blanc. Son pied nu frappa le sol sablonneux, une fois -elle avait lu que ça se faisait. Boucles furibondes et yeux couleurs d'orage, son visage enfantin se plissait, boudeur… Et son poing se refermait compulsivement sur cette jolie robe aux dentelles ouvragées, qui lui interdisait l'escalade… première prison. Première entrave…
Et dans les branches de l'olivier, un gamin de douze ans qui se croit déjà vieux rit aux éclats. D'elle. Ben alors, Manon, tu as peur de déchirer tes voiles? Monsieur ton père va te gronder, froussarde!
Un éclat de volonté presque métallique traversa les prunelles de l'enfant. Les germes d'une révolte qu'elle ne comprenait pas encore tout à fait, un sursaut contre une injustice ressentie instinctivement, viscéralement. Un reste de fierté et un premier envol.
Des pans de tissus tombèrent au sol, feuilles mortes des coutumes obsolètes. La petite fille levait le menton. Dans l'arbre, le garçon ne riait pas… Elle était libre.

Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom

Maison de maître de Marseille, 1761.

- Madame, nous vous remercions de vos années de loyaux services. Voici vos gages. Partez.
- Papa, pourquoi elle s'en va, nounou? Et Jacques? Je ne verrais plus Jacques?
- Chut Manon, soit sage. Tu es grande maintenant, ce n'est plus à moi de m'occuper de toi. Reste avec ton père, tu sais qu'il est bien seul, depuis la mort de ta mère…
- Mais Jacques?
- Il part avec moi. Adieu, ma petite fille.
- Mais et les histoires? Les chansons?
- Tu les sais toutes par cœur. Les chansons aussi.
- Ne t'en vas pas… Papa, dis, on peut la garder encore? Papa, réponds-moi, pourquoi tu ne dis rien? Papa, papa!


Maison de maître de Marseille, 1767

- Père!

Il lui tourne le dos. Elle se dresse de toute sa petite hauteur, sa tresse couleur de miel danse dans son dos au rythme de ses mouvements rageurs. Fébrilité de la révolte qui s'éveille! Le sentiment dormant dans les corsets et la bonne éducation a peu à peu gangréné le cœur trop solitaire et trop rêveur. Mensonges, duperies! Elles ont empoisonné le goût de l'enfance, et jusqu'aux rivages de la mer originelle.

- Je ne suis pas une marchandise! Je n'épouserai pas votre client!

Pourtant, c'est une si jolie marchandise. Femme-enfant aux yeux de nuages et à la peau de soleil, fine et délicate, lèvres en coquillages. Elle sent le sel et le sable. C'est ainsi, sans doute, que son père a calculé la chose. Ainsi, sans doute, que tous la verront, laissant filer le plus important, cette essence infime, cette lueur au creux des yeux…
Et devant le silence obstiné de son père, devant son autorité-montagne qui la poussait vers un homme qu'elle n'avait jamais vu, devant l'hymen imposé et le tort injustifié, devant cette petite chose, ce dernier petit rêve d'enfant qu'on lui arrachait… Manon sentit grandir en elle une folie téméraire, une ardeur irraisonnée et illogique, caressant un projet un peu fou…

Le soir même, son visage auréolé de courtes boucles blondes se tournait vers le large. Dans sa chambre glacée et vide gisait une natte d'or pâli, comme un étrange cadavre en guise de promesse.

Sur l’absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom

Il fait froid. Vraiment trop froid. Blottie dans une cape détrempée, ses cheveux dégoulinants plaqués sur son visage, les bottes pleines d'eau, chaton égaré qui erre sur les quais d'un port d'Irlande. Les bateaux sont gris-de-triste. On l'a débarquée ici, de force. Sans égard, et sans rien. On lui a laissé, oh dieu, pas grand-chose… Une chemise trop grande et un vieux pantalon, dont on ne voulait plus.

Manon ramasse ses débris de rêves trop idéalistes, patiemment. Se forge un nouveau but… couleur de soleil sombre.
Elle se traine, tant bien que mal, jusqu'à l'embarcadère d'un vaisseau de la marine marchande. Devant un registre mal tenu, un homme à la voix rude l'apostrophe.

- Tu viens pour le boulot aux cuisines? T'es en retard, mon gars! File, avant que le chef cuistot décide de sévir pour de bon.

… Mon gars? Manon se fige de surprise. Lève son visage d'entre ses boucles glacées, et fixe le gros homme qui la houspille. Petit moinillon égaré qui se demande, un instant, si c'est bien à lui qu'on parle…

- Jacques Maupin, c'est ça? Signe, et grimpe! Vite, vite, la marée n'attend pas!

Jacques. C'est le prénom qui la décide. Jacques.

Dans un frisson douloureux, les yeux éteints mais les dents serrées, Manon assassine scrupuleusement ses dernières illusions, ses derniers restes de vie voilée. Elle poignarde Manon d'une signature, d'un simple nom qu'elle fait sien, oublie la rose, et abandonne les ultimes scintillements princiers. Les dernières féminités. Les poussières d'espérances et les songes brisés… Manon n'est plus. Elle est morte pour racler, du bout des ongles, la chance inouïe qui se présentait à elle. Jacques nait, se relève. Il a tué sa mère, et a un rêve à poursuivre.


Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom


Tout s'est passé si vite, qu'elle n'a pas vraiment eu le temps de réaliser… Le naufrage. L'eau. Le froid, encore, et la planche. Le feu et les lames. Et puis… et puis la chance, encore une fois. La chance, de trouver une main secourable. La chance de débarquer à Tortuga. La chance de pouvoir, enfin, concrétiser ses rêves…

Il fait sombre, mais chaud encore. Les marins sont tous en bas, ils mangent. Il boivent peut-être, ou bien ils dansent, qu'importe? Accoudé au bastingage, Jacque noie son regard dans les flots sombres. Il respire son idéal au parfum d'embrun, et laisse son futur se parer, le temps d'un rêve, de la couleur magnifique de l'aventure et -peut-être?- du bonheur. Ici, il y a tous les désirs concrétisés: une famille de substitution, une camaraderie, même un peu rude, un sentiment d'appartenance, enfin quelque chose pour asphyxier un peu la solitude…
L'Amphitrite a des ailes! Il les voit bien, ce sont les siennes. Ici, il y a enfin un horizon sans limite. Ici, il y a enfin un peu de dignité pour lui…

Une porte s'ouvre, et une lumière blafarde -clarté mouvante des bougies- lèche le pont, un instant. Par réflexe, Jacques se retourne, lève les yeux vers le pont supérieur. Et silence: seul le bateau craque, grince un peu… mais pas assez encore. Précipitamment, l'adolescent bat en retraite vers les dortoirs.
L'homme, là-haut, est nimbé d'ombres mouvantes. Sans doute ne l'a-t-il même pas remarqué mais… Mais Jacques se demande, au fond, pourquoi cette impression étrange d'avoir croisé un regard perplexe… Il se demande quel est-ce frisson de mauvaise augure.
Et surtout, surtout… il se demande pourquoi Manon, la morte Manon, a ainsi empourpré ses joues hâlées…

Mais qu'importe? Il est trop jeune, trop insouciant et trop heureux pour se méfier. L'avenir vibre de promesse, et cette étrange crainte sera bien vite oubliée. Comme sera effacé, dans l'esprit du capitaine de Nogaret, le visage insignifiant d'un petit mousse aux yeux trop grands…

Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer

Liberté


Dernière édition par Jacques Maupin le Mer 4 Aoû - 1:21, édité 10 fois
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Jacques Maupin

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MessageSujet: Re: Jacques Maupin, oiseau des grands rivages.    Jacques Maupin, oiseau des grands rivages.  EmptyMar 3 Aoû - 21:20

Jacques Maupin, oiseau des grands rivages.  Sanstitre1zqu
    Commençons par ton nom... Jacques Maupin, bien sûr! Le jeune Jacques, qui d'autre? Certains murmurent le nom de Manon Sellig... ceux-là sont des médisants.
    T'es pas un peu jeune pour être pirate ? Jeune, pour sûr. Dix-sept ans, tout au plus...
    Et si t'étais pas libre comme l'air, tu s'rais chez qui ? Petit français du sud, des rivages de la Méditerranée...
    Et tu fais quoi de ta vie ? Jeune mousse à bord de l'Amphitrite. Et travestie de talent...
    Et pirate, c'est une vocation ou t'as plus un rond ? Devenir pirate? Oh, c'est le hasard des choses. Suivre le fil de sa vie, et son désir intense d'espace, d'aventure et surtout de liberté mène parfois à de biens étranges profession...


Jacques Maupin, oiseau des grands rivages.  Sanstitre2dbg
    Et t'es plutôt gringalet ou baraqué ? Confer post n°2.

    T'es pas du genre à tenir tête au capitaine, au moins ?Confer post n° 3

    T'aurais pas une histoire à nous raconter ? Confer post n°4


Jacques Maupin, oiseau des grands rivages.  Sanstitre3su
    Ton prénom/pseudo : On m'appelle Ereb, en général ^^
    Ton âge : 18 ans. Presque.
    Comment as-tu découvert le forum ? Accusez donc mon capitaine de ce méfait, cette catastrophe! Et tant qu'à y être, la même chose pour le format de ma fiche très honteusement plagié.
    Ta première impression : Je ne sais pas si elle est première, puisque je le connaissais avant l'ouverture, mais... J'aime énormément 8D Le design est magnifique, le contexte très ouvert et offrant de grandes possibilités... Le meilleur forum de pirates que j'ai croisé, sans aucun doute.
    Le code du règlement :
Spoiler:
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Louis de Nogaret

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MessageSujet: Re: Jacques Maupin, oiseau des grands rivages.    Jacques Maupin, oiseau des grands rivages.  EmptyMer 4 Aoû - 12:59

J'ai eu beau chercher de part en part, je n'ai pas trouvé matière à critique.
- Et Dieu sait ce que c'est frustrant pour un capitaine, de n'avoir rien à redire au travail d'un simple mousse. -
Monsieur Maupin, je vous intègre donc à mon équipage avec plaisir.
- Et très belle fiche, évidemment ! -

Carnet de bord et demandes de relations sont à ta disposition. Bon voyage !
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MessageSujet: Re: Jacques Maupin, oiseau des grands rivages.    Jacques Maupin, oiseau des grands rivages.  EmptyJeu 5 Aoû - 0:10

J'ai pas eu le temps de tout lire, vu que je suis pas là... ^^" Mais promis, je reprends mes activités de fonda responsable bientôt et je lis en détail. En tout cas ce que j'ai eu le temps d'admirer est splendide *o*

Bienvenue, Mlle Sellig. Je vous ai ajouté votre rang ♥
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MessageSujet: Re: Jacques Maupin, oiseau des grands rivages.    Jacques Maupin, oiseau des grands rivages.  EmptyJeu 5 Aoû - 10:01

Merci à vous deux Embarassed Je rajouterai, à l'occasion, des scénettes dans le Carnet de Bord =)

Je suis engagée, je suis engagée \o/
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