Cap à l'Ouest !
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 Les nuages vont où je ne peux les suivre...

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AuteurMessage
Crow

♦
Crow

Masculin
Messages : 419
Localisation : Sur la vigie, ou en train de sauter de cordage en cordage.
Humeur : Croassante

Carte aux trésors
Amis, ennemis, connaissances:
Baratin de haute importance:
Les nuages vont où je ne peux les suivre... Vide
MessageSujet: Les nuages vont où je ne peux les suivre...   Les nuages vont où je ne peux les suivre... EmptyMer 1 Sep - 21:41

Petit oiseau qui prétend ne pas avoir de cage
Alors que tu es le premier à t'y enfermer...

    C'est peut-être un peu trop beau, ce ciel immense, dévoré par de lourds nuages immaculés. Oui, trop beau. Le bleu s'étend vers l'infini, emplissant ses rétines comme pour les graver à jamais de cet azur profond. L'air marin, empli de cette odeur particulière, un peu salée, vient fouetter le visage de Crow, se faufile dans ses mèches de feu, et danse avec le pavillon noir. Le tissus sombre ondule gracieusement, déformant le crâne qui l'orne. Le rouquin ne pense même pas à fermer les yeux, et les larmes qui en coulent le brûlent un peu. Elles forment sur ses joues pâles, parsemées de tâches de rousseur, des sillons humides et luisants. Il se sent minuscule. L'immensité bleue en haut et en bas. Le ciel et l'océan. Deux masses qui se fondent presque, à peine séparées par la fine ligne de l'horizon. Deux masses qui devenant une seule entité majestueuse, entourent de leurs bras indigo le navire, comme pour l'engloutir en leur sein de la plus douce des façons. Et l'oiseau de feu, perché sur la vigie, est presque étourdi par l'étreinte aussi délicate que impressionnante des éléments impérieux qui se fondent en un seul.
    Il s'était simplement accroupi sur la rambarde de bois, et tient sans même sourciller, ses pieds agrippés tels des serres à la planche sombre. Certes, sa posture est plus proche de celle d'une grenouille, mais son agilité nerveuse brise son image peu avantageuse de batracien. Sa bouche est entrouverte, dévoilant une dentition peu fournie, dont les quelques dents restantes sont noires et rongées par la saleté, qui n'avait laissé derrière elle que ces malheureux bouts sombres et bancals. Il a l'air un peu idiot, abasourdi par la vue qui s'offre à lui. La liberté à l'état pur, splendide, qui le soûle presque de par sa grandeur. Lui, petit oisillon un peu perdu, un peu fou, sans maison ni famille, se sent à sa place.
    On veut de lui. Le ciel veut de lui. L'océan veut de lui.
    Pour la première fois depuis... Depuis toujours très certainement, un sentiment serre son cœur. Quelque chose de nouveau. D'étrange. Qui gronde, ronronne. Crow n'a pas les mots, comme toujours. Mais moi, je les ai. Ce n'est pas encore du bonheur. Non. Un cœur glacé ne se réchauffe pas si vite, même sous un soleil tendre. Mais cela y ressemble un peu.
    Crow est joyeux.
    Tout simplement. Comme l'enfant qu'il n'a pas pu être. Il est content.

    Il se relève brusquement, toujours en équilibre sur le rebord, et commence à marcher tranquillement sur la rambarde. C'est simple, quand on a des ailes non ? Un sourire un peu gamin étire sa bouche fine, tirant sur ses zygomatiques et creusant sur sa joue une petite fossette. Gosse perdu sous une marée immonde de massacres et de tueries. Âme naïve engloutie à jamais par la colère et la frustration, qui, sous le ciel aux plumes blanches, essaie de se frayer un chemin parmi les vague glaciales d'un cœur de métal, aidé par ce phare bleu, au loin, qui guide ses mouvements désespérés. Et, dansant presque sur la vigie, petit clown cruel au sourire peint d'un rouge sanglant, arrête un instant son épuisant numéro. Crow vole presque. Crow oublie ses masques qu'il emmêle et confond. Il apprend presque qui il est. Cela est éphémère. Dès qu'il ouvrira les yeux, tout s'en ira en un battement d'ailes. Mais le papillon n'est-il pas plus beau encore lorsqu'il se brûle les ailes à la flamme ondoyante de la lampe à huile, et quand, dans un souffle nostalgique, il s'éteint à tout jamais ? Alors, pour ces quelques minutes un peu magiques, un peu irréelles, Crow est beau. Pas dangereusement séduisant, ou naïvement charmant. Non, juste beau. De cette magnificence toute mortelle, qui ne dure qu'un instant hésitant entre rêve et réalité. Personne ne le verra, à part moi, à part vous peut-être à qui je souffle cette confidence. En bas, sur le pont grouillant de vie, aucun pirate ne le saura. Ils continueront tous de voir ce cher mousse tel un bouffon amusant, et un peu fou pendant les abordages. Mais cela importe peu.
    Crow a le ciel pour spectateur, et l'océan aussi le couve d'un regard aimant. Il le sait, il le sent.
    Et, au creux de ses omoplates encore rougeâtres et balafrées, de petites ailes de feu s'épanouissent et naissent. Crow devient corbeau. Enfin.

    Cela dure quelques minutes. Peut-être des heures. Il n'en a pas conscience. Ses membres arachnéens flottent entre ciel et mer, ils se meuvent avec une grâce fantomatique.
    Mais toute magie se brise. Crow se réveille. Ce n'est pas même douloureux. La nage ardue et désespérée de son innocence mutilée se finit brutalement, et les souvenirs d'une enfance qu'il n'aura jamais sont noyés sous les vagues violentes de sa haine.
    Les ailes retombent mollement, prisonnières de ce dos blessé et fouetté par trop de fois.
    Le clown barbouille de nouveau ses lèvres sèches, et le sourire redevient masque.

    Mais, l'éphémère est beauté. Je vous l'ai dit. Ne regrettez pas trop la fin de cet instant onirique. Il n'en a été que plus splendide.

    Crow retombe durement sur le parquet sombre de la vigie. Ses pieds nus heurtent le sol, et il se penche en avant. Rien d'intéressant à l'horizon, pas de navires, pas d'îles. Bref, rien d'amusant.
    Il préfére donc admirer un peu les membres de l'équipage.

    En train d'astiquer joyeusement le pont, un jeune homme à la chevelure dorée attire son attention. Il faut dire qu'entre tous ces corps musclés et virils, le petit mousse ne passe pas inaperçu. Il sourit, amusé par ce contraste assez surréaliste. Mais que peut dire Crow, lui qui, grand échalas crasseux, se ferait sûrement réduire en bouillie par les bras puissants des membres de l'équipage ?
    Il passa une main squelettique dans les mèches oranges qui recouvraient son crâne, et se mit à rire doucement. Au risque de rendre l'information redondante, je précise que Crow s'ennuie, là haut, tout seul sur sa vigie. La magie est finie. Le ciel ne l'envoûte plus. Bien sûr, il s'y sent toujours bien. Mais la sensation est diffuse, coulant doucement dans ses veines, et Crow n'en comprend plus tout la douceur et la complexité. Sa dureté cruelle a reprit sa place en lui, et essaie d'étouffer les petites effluves de joie qui avaient réussi à le faire voler, l'espace d'un instant. Crow s'ennuie donc. Et tord le cou à ce gamin hésitant qui avait tenté de le rejoindre. Il le tue sans pitié, laissant un cadavre encore suppliant, mais bel et bien mort. Pour le moment, espérons-le.
    Ses grands doigts, aux articulations saillantes, pianotent sur le bois. Tap. Tap. Tap. Et le petit mousse astique, consciencieux et courageux, son tissus imbibé d'eau serré entre ses petites mains fines.
    Et Crow s'ennuie...
    Tap. Tap. Tap.

    Il se retourne un instant, et jauge le ciel, le critiquant presque. Tu es trop bleu. Oui, trop bleu. C'est bien trop beau pour un monstre. Bien trop beau pour une vermine comme lui. Son poing se serre. Il déteste le ciel bleu. Il déteste ne pas pouvoir y voler. Si seulement il savait que lui seul détient la clé de la cage dorée dans laquelle il se vautre. Mais il l'ignore, et continue de ronger les barreaux, tout en fermant un peu plus le cadenas. Folie aussi dévastatrice que gardien consciencieux. Alors Crow hait. Méprise. Envie. Sans savoir que ses ailes sont là, bien là, sur son dos.

    Il se détourne du ciel, et s'intéresse de nouveau au pont. Les pirates y accourent, bandant leurs muscles, beuglant des insultes ou des chansons paillardes. Les corps sauvages et en sueur se ruent vers les voiles ou les cordages, et, lui, en haut de toute cette agitation, observe leurs vas et viens galopants.
    C'est assez drôle.
    Le quart présent obéit aux ordre du second, qui, enveloppé dans son habituelle dureté, crache des directives.
    Crow se concentre, plissant ses yeux verts, pour mieux observer ce cher Kharine Stas, imposant, au visage austère.

    Les minutes passent, puis, décidément bien trop lassé, et prenant le risque de s'attirer les foudres du second, voire du capitaine (mais Crow sans sa légendaire insolence ne serait plus Crow...), il se laisse glisser le long des cordages pour venir heurter durement le parquer du pont.


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